Les statistiques nationales sont éloquentes : 1 mariage sur 3 en région, et 1 mariage sur deux dans les grandes villes, finissent par un divorce, en France.
L’impact de la crise immobilière sur la situation des couples en difficultés
Dans un tel contexte, une question revient régulièrement dans les esprits : la crise économique actuelle, plus spécifiquement immobilière, représente-t-elle un frein au rythme habituel des divorces en France, comme cela semble être le cas par exemple aux Etats-Unis ? Autrement dit, est-ce que les couples français, pourtant à bout, parviennent tant bien que mal à reporter une séparation, pourtant inéluctable, dans l’attente de jours meilleurs, et ce, afin de limiter la casse sur le plan de la revente immobilière ?
A cette question, je ne peux pas répondre de manière représentative, mais seulement illustrative, car mon expérience est basée sur le portefeuille de vendeurs de mon agence.
Ainsi, à titre d’exemple, sur 200 biens à la vente, une quarantaine (20%) l’est en raison d’une séparation déclarée. Mais j’estime qu’une vingtaine supplémentaire de ventes nous sont confiées, par ailleurs, sans que la cause réelle de la décision ne soit précisée : certains vendeurs arguent une mutation hypothétique, d’autres un choix de confort. Mais les tensions restent palpables au sein de ces couples, qui, bien que désireux de cacher leurs dissensions à l’agent immobilier, ne parviennent pas à composer suffisamment pour maintenir l’illusion d’une bonne entente conjugale. Ainsi, entre les divorces en cours déclarés et ceux supputés, mon portefeuille semble représentatif de la moyenne des divorces en région : environ 30% des intentions de ventes actuelles resteraient bien imputables à la fin d’un mariage.
Le report de divorces minoritaire
Ainsi les « reports » de séparation en raison du contexte économique actuel semblent minoritaires : les délais de vente s’étant allongés, il devient de plus en plus difficile, pour les couples en difficultés relationnelles, de cohabiter harmonieusement en attendant de dénicher un acquéreur providentiel, d’autant qu’une vente immobilière en cours rajoute toujours sa dose de soucis matériels aux difficultés affectives : les visites nécessitent de la disponibilité, du ménage ou jardinage préalable. Dans un climat de tension, les futurs divorcés semblent physiquement et rapidement éprouvés par leurs problèmes personnels, renforcés par l’attente de la vente et par les obligations qui en découlent. Même si, au départ, ils avaient décidé de faire front afin de vendre d’abord au prix fort, puis de divorcer ensuite, il semblerait que cette résolution initiale ne survive pas longtemps à l’épreuve du marché immobilier actuel et aux difficultés financières qui en découlent parfois, sur fond de montée du chômage. Finalement, la séparation est souvent rapidement consommée par le départ d’un des deux conjoints du domicile conjugal, et ce, seulement après quelques semaines de tentatives infructueuses de vente, pour cause de prix trop élevé.
Des délais de vente qui rendent souvent la cohabitation insupportable
A partir de ce moment crucial, lorsqu’un des propriétaires quitte le nid, pour s’installer ailleurs, les ennuis débutent vraiment : certes, les époux en difficultés ne se croisent plus le matin au petit-déjeuner, mais certaines obligations restent maintenues : celui qui reste dans la maison en attendant la vente, devra assumer l’entretien du domicile, ainsi que les contraintes découlant des visites (horaires de RDV, etc…). Celui qui est parti devra se loger à ses frais, ce qui engendre des tensions quasi-systématiques avec l’ex-conjoint, considéré comme « privilégié » par son maintien à domicile.
De plus, le départ d’une moitié du couple est souvent « lisible » par les clients aguerris lors des visites, car ces derniers remarquent l’absence de certains meubles (une table a disparu du salon, un lit manque dans une chambre, la salle de bains semble occupée par un seul adulte, etc…). Ils déduisent alors qu’ils se trouvent face à une situation de séparation et malheureusement, déduisent des apparences qu’il s’agit d’une situation de contrainte, souvent doublée par une urgence. L’offre éventuelle de départ tiendra certainement compte de cet élément, tant il est connu que les meilleures affaires se réalisent souvent lorsque les vendeurs sont pressés.
Des réactions passionnelles, parfois contraires aux intérêts de chaque partie
De curieuses réactions peuvent alors voir le jour : le conjoint « gardien » du logement se lève parfois un matin avec une idée saugrenue (pourtant contraire à son engagement de départ) : celle de se maintenir le plus longtemps en place, dans cette position confortable, de bénéficiaire unique d’un logement pourtant commun avec l’ex-conjoint. Son but devient ainsi, inconsciemment ou non, de faire capoter la vente. L’échec provoqué permettra, en outre, de tempérer les prétentions du conjoint en terme de prix de vente et favorisera un éventuel rachat de parts à moindre coût, s’il existe une intention de conservation du logement, à plus long terme.
Parfois, tous les moyens sont bons, comme j’ai pu le constater dans divers dossiers : ne pas ouvrir la porte lorsque l’agent immobilier se présente pour une visite avec des acquéreurs potentiels (propriétaire claquemurée à l’intérieur, feignant d’être absente malgré sa voiture garée devant le garage), ne plus entretenir la maison (jungle dans le jardin, intérieur sale, voire dégradations volontaires…), commenter négativement la maison en présence de l’agent immobilier et de ses clients (« L’agent immobilier ne vous l’a peut-être pas dit mais cette maison est très humide. Vous avez remarqué le salpêtre sur le mur ? »)…
Au départ, la stratégie de sabotage de la vente peut passer relativement inaperçue si cette dernière reste « modérée » (rares petites remarques négatives, intérieur et extérieur négligé mais « visitable »). Cependant, au fil du temps, l’agent immobilier, agacé de travailler pour rien, risque de se plaindre au conjoint qui a quitté le domicile conjugal et qui se languit, pendant ce temps, dans son studio en location, le temps de toucher sa part pour pouvoir se reloger plus dignement. Le ton peut alors monter entre les époux en cours de séparation, par l’intermédiaire d’avocats interposés, qui tenteront d’obtenir, pour le compte du propriétaire logé dans son T2 d’ex-étudiant, un loyer mensuel versé de la part du propriétaire resté à domicile et logé finalement gratuitement depuis le début des hostilités.
Des conditions réunies pour vendre « mal »
Menacé de devoir débourser un dédommagement mensuel en raison de son occupation isolée du domicile conjugal, il n’est pas rare alors de constater une modification radicale du comportement du vendeur en place : d’un coup, la vente devient urgente, l’agence est priée d’augmenter le nombre de visites, car plus le temps passe, plus l’addition s’alourdit !
Malheureusement, ce parcours sinueux, fréquemment emprunté par des couples en instance de divorce, les a, en réalité, préparés à accepter la première offre d’achat solvable qui se présente. Tous les ingrédients (crise économique, prix immobilier en baisse, problèmes personnels, sentiment d’usure suite à une mise en vente à un prix initial trop élevé…) sont donc réunis pour obtenir un résultat calamiteux en terme de patrimoine. Certaines ventes se concluent parfois, après de longs mois de querelles incessantes envenimées par la situation précaire de logement de l’un et de l’autre, seulement si des décotes importantes sont concédées par rapport au prix désiré au départ (-30% récemment sur un de mes dossiers).
Le rôle primordial du « bon » agent immobilier ou l’importance de choisir un bon professionnel
La position de l’agent immobilier (consciencieux) dans les situations de divorce est délicate. Le délai de vente doit être rapide afin que les situations de cohabitation soient « tenables », malgré la dégradation des relations. En situation de contrainte, plus on vend vite, plus on vend « cher », en général. L’AI doit donc jouer pleinement son rôle en matière de modération de prix de départ, sans tomber dans l’effet inverse qui consisterait à « brader » le bien purement et simplement.
Le climat est souvent passionnel, peu compatible avec l’atmosphère de calme nécessaire à toute affaire immobilière rentable. En effet, avant de divorcer, les époux doivent se mettre d’accord sur un prix de vente réaliste et l’esprit de contradiction des parties, en plein conflit, n’aide pas vraiment à l’obtention d’un consensus autour d’un prix modéré : seul un prix bien plus élevé que le marché semble au contraire permettre de lever les réticences d’un des deux conjoints (celui qui se sent « quitté » par l’autre, le plus souvent).
L’agent immobilier doit donc convaincre les 2 conjoints en même temps, ce qui n’est pas une mince affaire. Souvent, l’initiateur de la rupture a convoqué l’agence dans son foyer pour une évaluation du bien, et a ainsi imposé cette agence au conjoint qu’il compte quitter. L’AI apparaît alors parfois comme un complice du premier et un ennemi du second. Ses conseils seront donc écoutés avec méfiance. Remporter la confiance du couple dans son intégralité devient alors un exercice de haute voltige !
Enfin, l’agent immobilier, en charge de la vente, doit être consciencieusement choisi, sur ses valeurs morales et ses capacités à être un véritable partenaire, qui ne doit pas détourner la situation à son avantage. Son devoir de réserve doit ici jouer à plein. Les informations distillées aux acquéreurs doivent être parcimonieuses : insister sur les difficultés traversées par le couple et amplifier le degré d’urgence ne servira qu’à recevoir une offre d’achat inférieure au prix du marché. L’AI doit certes communiquer avec les clients potentiels sur la séparation des vendeurs (cause de la vente), mais expliquer que les époux se sont entendus en bonne intelligence pour vendre correctement et calmement leur bien immobilier (même si c’est faux et que les vendeurs ne se parlent plus que pour s’insulter).
Parfois, le nombre des agences est malheureusement privilégié au détriment de leur qualité, ce qui peut nuire gravement au processus de vente. Les vendeurs se tirent alors une véritable balle dans le pied ! En effet, le conjoint qui n’avait pas choisi la première agence va éprouver l’envie d’en convoquer une seconde, voire une troisième, afin de vérifier que celle qui est déjà venue n’est pas de mèche avec le conjoint sur le départ.
Ainsi, dans certains dossiers de divorce, de nombreuses agences peuvent alors être choisies par l’un ou l’autre des conjoints, qui développent alors des relations privilégiées avec certains AI au détriment des autres, considérés comme « vendus » à l’ennemi.
La concurrence entre agences n’arrange rien car les évaluations communiquées rivalisent dans leur prix afin d’attirer les faveurs d’un des conjoints (sachant que tous deux devront de toutes les manières signer les mandats). De plus, lorsque trop d’agences sont missionnées, le bien apparaît de multiple fois en publicité sur les sites web, conférant une impression de « bien immobilier vicié, puisque depuis longtemps sur le marché ».
Ainsi, malgré une situation souvent d’urgence, certains biens se retrouvent en vente sur le marché, avec des stratégies commerciales défectueuses, à des prix surévalués, auprès d’intermédiaires, communiquant parfois sans scrupule, sur les possibilités d’acquérir la maison à un prix défiant toute concurrence, vu la situation personnelle des propriétaires !
Les vendeurs ne parviendront ainsi, finalement, à leurs fins qu’avec un gain réduit (surtout comme c’est souvent le cas lorsque l’emprunt immobilier à rembourser a été souscrit récemment). Difficile alors de redémarrer dans la vie, surtout lorsque des enfants sont également en jeu.
Les divorces restent, ainsi, à mon sens, une des premières causes de paupérisation et de catastrophe économique personnelle, surtout, évidemment, dans le contexte immobilier actuel.
Heureusement, certains clients de mon agence, en instance de divorce, ont échappé depuis le début de l’année à cette noire destinée, en adoptant une technique simple : ils ont choisi librement un agent immobilier (sur recommandation et après en avoir rencontré plusieurs), à qui ils ont confié l’évaluation. Ces clients ont écouté les arguments du professionnel et ont choisi de ne pas tenter le diable en plaçant le prix au dessus de l’évaluation. Ils ont signé un mandat de vente exclusif de 3 mois, pendant lesquels ils ont cohabité, tant bien que mal, dans le logement en vente. Au bout de 10 visites, de 2 mois, et d’une négociation de prix de l’ordre de 5%, ils ont accepté l’offre présentée. Dès que les conditions suspensives de la vente ont été levées, ils ont engagé une procédure de divorce par consentement mutuel.
Mais tout cela n’est possible que lorsqu’un professionnel immobilier de confiance est rencontré et que le climat du couple rend possible une entente sur le prix et une cohabitation temporaire… Beaucoup de variables, difficilement maîtrisables, interviennent donc dans l’équation d’un divorce !
@Barner pour m'avoir soufflé ce thème!