Je lis régulièrement, dans les commentaires de ce blog ou les forums, que le recours à un agent immobilier coûte cher (c’est vrai mais j’ai déjà expliqué pourquoi), alors que l’intervention de ce dernier n’apporte aucune garantie par rapport à un achat immobilier en direct particulier.
Cette idée répandue est complètement fausse.
Il suffit d’étudier le cadre légal de la responsabilité civile de tout agent immobilier pour s’en convaincre.
Quelles sont les garanties apportées par un agent immobilier, contrairement à un particulier ?
1. L’agent immobilier est responsable contractuellement à l’égard du mandant (vendeur qui a signé le mandat de vente)
L’agent immobilier est obligatoirement mandaté, préalablement à toute démarche, par écrit (mandat de vente exigé par la loi Hoguet) par le(s) vendeur(s) d’un bien. Ainsi, il reçoit pouvoir pour rechercher un acquéreur et procéder à la vente dans des conditions définies. En dépit des fausses idées véhiculées dans les forums de ça et là, l’agent immobilier répond ainsi, devant la loi, de toute inexécution ou mauvaise exécution du mandat dans les conditions de droit commun.
Une obligation de moyens
Il faut préciser que ce dernier n’est tenu qu’à une obligation de moyens, mais sa responsabilité civile peut être mise en cause s’il ne prouve pas avoir diligenté tous les moyens à sa disposition pour parvenir à la vente. L’agent immobilier répond, devant la loi, des fautes éventuelles commises dans l’exercice de sa mission dès lors qu’elles ont causé un préjudice au mandant (vendeur). Par exemple, un agent immobilier est tenu de s’assurer de la solvabilité des locataires (ou acquéreurs). Si cette mission n’est pas remplie, un propriétaire mandant peut attaquer l’agent immobilier et réclamer des dommages et intérêts pour les préjudices subis (pertes de loyers, perte de temps pour une vente qui n’aboutit pas, etc…).
Une obligation de résultats
En revanche, l’agent immobilier est placé devant une obligation de résultats lorsque celui-ci est rédacteur d’actes (compromis de vente…). Il est ainsi tenu responsable des conditions de forme du document, des formalités consécutives et doit assurer la sécurité des parties (capacité juridique des acquéreurs, des vendeurs, etc…).
Un devoir de conseil et d’assistance
De plus, tout mandant peut engager devant un tribunal la responsabilité d’un agent immobilier en cas de manquement à son obligation de conseil et d’assistance. Ce devoir de conseil s’explique par le fait que les agents immobiliers sont de professionnels qui doivent, en raison de leur supériorité technique, informer les clients non-professionnels sur les circonstances de l’opération envisagée. Exemple : la jurisprudence a sanctionné le manquement à ce devoir de conseil d’un agent immobilier qui avait proposé à son client la location de locaux à usage d’activité » pourtant incompatibles avec son activité de concessionnaires (CA Versailles 12 ch, 14/10/2004 n°03/05370).
Ce devoir de conseil impose à l’agent d’informer son client de tous les risques que lui fait courir l’opération projetée, ainsi que sur la réglementation applicable.
2. Une responsabilité délictuelle à l’égard des tiers (dont les acquéreurs, bien sûr !)
Délit ou quasi-délit
L’agent immobilier engage sa responsabilité pour tous les délits et quasi-délits commis dans l’exécution de son mandat. Ainsi, il a été jugé que la responsabilité délictuelle de ce dernier était engagée lorsqu’il a omis de présenter aux acquéreurs un état parasitaire (CA Bordeaux, 16/09/2002, n°98/00780).
Violation du devoir de conseil
Cf paragraphe précédent sur le devoir de conseil et d’assistance de l’agent immobilier.
Ainsi, la jurisprudence a retenu la responsabilité de l’agent immobilier en cas de manquement à son devoir de conseil vis-à-vis du tiers en posant pour principe que le rôle de l’agent immobilier ne consistait pas seulement à rapprocher deux personnes autour d’une transaction immobilière mais aussi à réunir les conditions qui assureront la régularité de cette transaction.
Fondée sur l’article 1382 du code civil, cette obligation consiste pour l’agent immobilier qui prête son concours à la rédaction d’un acte à s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique dudit acte, même à l’égard de la partie qui ne l’a pas mandaté.
Ainsi, la responsabilité délictuelle de l’agent immobilier a été retenue lorsque ce dernier a :
- rédigé un compromis de vente de parkings alors que le vendeur n’en était pas propriétaire (CA Dijon, 12 février 1998 JCP E 1998 p 1716)
- inséré une clause nulle dans un bail commercial dont il était le rédacteur, cette clause ayant généré un préjudice au cocontractant du mandant (Cass 1 ère civ, 7 avril 1999, n°90-18.151)
- vendu un immeuble sachant qu’il était frappé d’une servitude de démolition (Cass 3eme civ, 29 mars 2000, n°98-15.215).
La jurisprudence apprécie très rigoureusement le respect de ce devoir de conseil et estime que le respect de ce devoir s’impose même lorsque l’agent immobilier intervient sans être rémunéré. Ainsi, la responsabilité de l’agent immobilier qui était intervenu gratuitement à titre amical a été retenue pour n’avoir pas vérifié la consistance du bien loué (CA Paris, 6eme ch. B 1er mars 2007, n°06/05700).
Conclusion
La loi est claire : les intérêts vendeurs et acquéreurs sont protégés dans le cadre de l’intervention d’un agent immobilier.
Votre agence ne vous donne pas satisfaction ? Sa négligence vous a causé de graves préjudices ? Faites valoir vos droits.
En effet, comme pour toute action en responsabilité civile, la réparation du préjudice prend la forme de dommages-intérêts dont le montant est souverainement apprécié par le juge et calculé sur la valeur du dommage au jour de la décision du tribunal.
L’indemnisation devra, de plus, couvrir l’intégralité du préjudice.
Enfin, vous disposez de 5 années pour faire valoir vos droits : en effet, depuis la loi du 17 juin 2008, le délai de prescription pour engager la responsabilité de l’agent immobilier est de cinq ans « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (article 2224 du code civil).
Pourtant, les recours en justice sont finalement encore relativement peu nombreux, au regard de la proportion du fort taux de mécontentement (65% d’après un sondage) suite à un recours à une agence. Pour quelles raisons ? Une méconnaissance de la responsabilité civile de cette profession ? Une difficulté à prouver un préjudice ? Ou finalement un mécontentement très subjectif, qui ne trouve pas toujours racine dans un dol sincère et véritable ? La question reste ouverte.
Certains de mes confrères peu scrupuleux gagneraient à lire et relire l'étendue de leur responsabilité civile. Les recours en justice en leur encontre provoquent, en plus des dommages financiers qu'ils sont condamnés à verser, une forte augmentation du montant de leur garantie professionnelle obligatoire annuelle.
Ainsi, pour valoriser les "bons" professionnels, respectueux des lois, les clients ne doivent pas hésiter à faire valoir leurs droits, dès lors que ces derniers sont fondés. Cela permettra de trier le bon grain de l'ivraie.
Plus de renseignements sur : http://www.village-justice.com/articles/responsabilite-civile-agent,6418.html