Après recherche web, prise de renseignements, et interrogations auprès de certains organismes « officiels », il me semble intéressant de s’interroger sur les moyens qui existent pour diminuer le niveau des frais d'agence en France, ce qui, à mon sens, est indissociable d'une réflexion sur la part moyenne de transactions immobilières échappant aux professionnels au niveau national. A ce sujet, je souhaite apporter certaines corrections aux idées reçues.
35% ou 70% des transactions immobilières françaises sans agence ? Peu importe car là n’est pas la vraie question.
En effet, les chiffres communiqués font le grand écart : seules 35% des transactions s’opéreraient hors agence, pour certains. A l’opposé, pour les « anti-agence », ce serait 70% des transactions qui s’effectueraient de particulier à particulier. D’ailleurs, de l’avis même de ces derniers, ce chiffre serait en constante augmentation en raison du mécontentement grandissant des propriétaires envers les professionnels, la communication de l’enquête DGCCRF n’ayant pas aidé à inverser la vapeur, en raison d’un taux d’infractions constatées en agence de 77%. A mon avis, si la part de transactions sans agence augmente, la raison est plutôt à aller chercher du côté de la montée en puissance d’internet (j’y reviendrai).
27% des mandats confiés à mon agence sont vendus finalement « de particulier à particulier »
Vous comprendrez donc ici aisément que je n’ai pas la prétention d’évoquer le fonctionnement du marché immobilier français dans sa globalité. Mais, vu de ma lorgnette de petite agence provinciale en campagne toulousaine, je souhaite apporter un éclairage, certes local et partial, mais surtout réel. A ce jour, les statistiques de vente sur mon portefeuille vont état de seulement 27% des transactions s’effectuant sans intervention d’une agence au moment du compromis de vente (ce qui est très différent de « sans intervention d’agence » du tout, mais nous reviendrons sur ce point).
Expliquons ce chiffre : sur 100 mandats confiés à mon agence, 73% sont vendus par mon intermédiaire ou celui d’un confrère mandaté parallèlement dans le cadre d’un mandat de vente sans exclusivité. Donc, lorsque les propriétaires appellent mon agence pour l’informer de la signature d’un compromis sur leur maison, ces derniers signalent seulement dans 27% des cas avoir vendu de particulier à particulier (ce qui veut dire que l’agence n’apparait pas dans le compromis de vente), soit grâce à une petite annonce, soit grâce à leur tissu relationnel (sic), qui, nous le verrons plus tard, s’avère souvent correspondre au public consultant les annonces d’agences.
En réalité, 95% des propriétaires recourent à un moment ou à un autre aux services d’une agence au cours de leur processus de vente
Pourtant, et nous serons d’accord sur ce point : sur ces 24% de mandats dans mon portefeuille agence, aucun de ces propriétaires ne s’est passé complètement des services d’une agence, puisque à un moment ou à un autre, même s’ils déclarent, à la fin, avoir vendu « seuls », mon agence a été convoquée pour des conseils, une évaluation, puis mandatée avec, à la clef, diffusion de publicités payantes concernant cette vente.
Deux questions demeurent :
- Sur ces 27%, combien auraient vendu si une agence n’était pas intervenue à un moment quelconque de la chaîne, ne serait-ce que, pour calmer en amont les appétits des propriétaires et fixer un prix plus « réaliste » ? Combien de ventes se seraient finalisées soit-disant « de particulier à particulier » si l’agence mandatée n’avait pas diffusé de publicité du bien en question sur des sites porteurs, spécialisés et payants, ou du moins participé à la vente, à un moment ou l’autre, par la réalisation de visites par exemple?
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- Car il ne faut pas être dupe du système actuel : en zone rurale, la publicité sur internet, payée par l’agent immobilier, est un formidable outil pour tout acquéreur débrouillard. Il ne faut pas sortir de St Cyr pour que, photos et prix, permettent, dans le meilleur des cas, de retrouver l’annonce en direct du propriétaire sur le boncoin.fr, au pire des cas, la maison elle-même à partir de Google Earth ou d’un arpentage sur le terrain. Bien évidemment, lorsqu’il s’agit d’un appartement à Paris, le filoutage est bien plus compliqué et soudoyer toutes les concierges d’un quartier bien trop onéreux !
Pour illustrer mes propos, je pense que le lien ci-dessous issu d'un blog découvert il y a peu, SE PASSE DE COMMENTAIRES :
http://www.dessine-moi-une-maison.fr/2011/630/immobilier-moins-cher-sans-frais-dagence.html
Après lecture, nous serons tous d'accord sur un point non discutable: si la part de transactions de particuliers à particuliers augmente, c'est grâce à ...internet (et non en raison de la perte de confiance des français envers les agences, BLA BLA BLA...).
De plus, il est important de noter que les visites réalisées par l’agence dans le cadre d’un mandat non-exclusif « prépare », grâce aux compte-rendus systématiques effectués, le propriétaire à accepter un niveau de prix qu’il refusait purement et simplement au départ. Exemple : l’agence réalise 6 visites infructueuses car le prix du bien (frais d’agence inclus) est affiché trop haut. Petit à petit, le propriétaire prend conscience, malgré tout, qu’il demande trop, et sera, grâce à l’agence qui lui a martelé cet état de fait à 6 reprises, en bien meilleure condition psychologique pour accepter une offre plus basse du premier particulier passant par là. L’intervention d’une agence, en doublon d’une tentative de vente sans intermédiaire, favorise sans conteste possible la vente de particulier à particulier.
2 . Combien de propriétaires se passent absolument de tout recours à une agence ?
Ce pourcentage est un chiffre clef, qui, rajouté aux 24% calculés plus haut, permettra enfin d’avoir une idée globale du taux réel de transactions dites « sans agence ».
Avant de répondre à cette question, je souhaite préciser, que, dans mon agence, comme dans la majorité des structures professionnelles, nous réalisons quotidiennement une « pige » des annonces de particulier à particulier. Cette veille, réalisée sur le marché immobilier « hors agence », nous permet de particulièrement bien connaître le fonctionnement de ce marché « parallèle » à celui des agences et donc d’avoir une idée précise concernant « le parcours classique du vendeur de pap » :
Au début, le particulier vendeur est généralement tout optimiste, « tout feu tout flamme ». Il n’est pas encore usé par la procédure de vente. Il tente donc de vendre par de petites annonces sans agence, afin d’économiser les frais d’un intermédiaire, qui, malgré ce qui est faussement expliqué dans les discours commerciaux, sont BIEN en réalité intégralement à SA CHARGE (et non à la charge acquéreur comme aiment le faire croire certains confrères, soit pour faciliter la prise de mandat, soit pour des raisons d’optimisation fiscale lors du calcul des « frais de notaire »)(ce point mérite un article à lui tout seul, je ne compte donc pas le développer ici).
Si le bien est de qualité, situé dans une bonne fourchette de prix et dans un quartier où l’offre est inférieure à la demande, les acquéreurs sont sous pression et ne sont pas en position de force. Les relations avec le propriétaire sont donc cordiales (l’acquéreur essaie de sympathiser avec lui, les rendez-vous sont honorés à la minute près, les commentaires désobligeants lors des visites évités) : la vente se conclue donc rapidement et sans problème. Fréquence d’un tel cas : 5%
En revanche, dans ma campagne toulousaine (pour ne pas la citer), l’offre est supérieure à la demande et malgré cela, les appétits des vendeurs très aiguisés. Donc la vente de particulier à particulier n’est pas si aisée que cela le semble au premier abord. De plus, de nombreux témoignages de vendeurs confirment le fait que d’ouvrir sa porte régulièrement à des acquéreurs potentiels devient très rapidement fastidieux, d’autant que beaucoup de comportements sont usants à la longue (sans parler des « lapins » réguliers des clients, ou des commentaires sur la maison, certes plus maladroits que méchants, mais qu’il s’agit d’encaisser avec le sourire). Un vendeur m’a même parlé ce matin d’une visite de sa maison qui a été surprenante : l’acquéreur a demandé un renseignement administratif. Le vendeur est monté chercher l’information dans son bureau. Lorsqu’il est redescendu, le visiteur était tout simplement parti, le tout sans dire au revoir ni prendre la peine de refermer la porte d’entrée, laissée grande ouverte. Le propriétaire en a facilement conclu que l’acquéreur n’était pas intéressé par sa maison. Il aurait tout de même été plus élégant, de la part de ce dernier, de s’expliquer verbalement, mais l'élégance n'est pas une valeur à la mode, ces derniers temps...
De plus, il n’est pas aisé entre particuliers de vérifier la solvabilité de l’acquéreur potentiel : entre personnes bien éduquées, exiger la copie du bulletin de salaire et de la pension alimentaire versée à Madame, cela fait désordre. Donc il est fréquent de constater une « casse » importante dans les compromis signés sans intermédiaire, d’autant plus que les acquéreurs mythomanes, touristes, optimistes, utopistes, certains « marchands de biens » ne se sentent alors pas bien à l’aise face à un professionnel immobilier, qui pose systématiquement des questions sur l’aspect financement. Ce type de clientèle préfère visiter sans agence, et s’engage facilement dans un contrat type compromis de vente, perdu d’avance, faute de solvabilité réelle.
Bref, dans ma campagne, au bout d’un certain temps, et après parfois un ou deux compromis tombés à l’eau, le particulier se résout, dans 95% des cas, tête baissé, à faire appel à un professionnel qui s’entend alors souvent dire : « finalement, vous ne faites pas un métier si facile ! ».
Tout ceci pour répondre à la fameuse question 2, à savoir Combien de propriétaires se passent absolument de tout recours à une agence ? En réalité, pas beaucoup et il est facile de faire dire ce que l’on veut aux chiffres (d’où les écarts constatés entre les statistiques publiés concernant ce marché immobilier, uniquement de particulier à particulier).
Pour ma part, le chiffre qui m’intéresse est celui qui concerne les propriétaires qui n’ont jamais, à un moment donné, missionné une agence pour leur vente. Je penche pour un ratio de l’ordre de 5%, car dans 95% des cas, l’agence est au minimum intervenue pour réaliser une évaluation gratuite du bien.
En résumé:
Bien des efforts inutiles pour éviter les agences et vendre sans intermédiaire, dans le but évident d’économiser les frais d’agence.
Pour le vendeur, tenter de vendre seul est compréhensible car s’il réussit dans son entreprise, il économise les honoraires d’un professionnel. En revanche, pour l’acquéreur, éviter les agences dans ce simple but est tout simplement inutile (il s’agit d’une erreur de compréhension du système), la commission agence sortant toujours en réalité de la poche du vendeur. Au final, le bien se vendra autour du prix du marché, sauf que le différentiel équivalent à la commission, au lieu d’être encaissé par l’agence, sera empoché par le vendeur.
Venez faire de « bonnes affaires » entre particuliers, qu’il disait !
De plus, pour qui n’est pas spécialiste, la négociation, en face à face, avec un particulier vendeur peut se révéler désastreuse. J’en veux pour preuve un exemple récent qui m’a particulièrement marqué : il s’agissait d’une maison sans jardin rénovée, évaluée en fourchette haute à 225 000 euros frais d’agence inclus, qui ne trouvait pas preneur depuis des mois, et finalement vendue en direct par le particulier sans frais d’agence à… 245 000 euros sans négociation (le particulier annonçait plus cher que les agences sur un site d’annonces gratuites, bien connu de tous). Interrogé le vendeur m’a expliqué sans fausse pudeur qu’il avait eu affaire à un couple de fonctionnaires, inexpérimenté dans les affaires, qui n’a pas « osé » négocier et a juste dit « on vous la prend », comme on achète une brique de lait chez Leclerc.
Conclusion
Le vendeur qui peut se targuer d’avoir vendu tout seul, comme un grand, sans l’intervention quelconque du moindre professionnel immobilier est rare sur ma région. Ainsi, le marché de ventes de particulier à particulier devrait plutôt être renommé « le marché de particulier à particulier qui reçoit l’aide ponctuelle d’agences, mais qui ne veut pas les payer ».
Si les vendeurs qui ne souhaitent pas rémunérer le service des agences ne faisaient JAMAIS appel à elles (même pour une évaluation) et se débrouillaient seuls de A à Z, si les acquéreurs désireux d’éviter les agences en faisaient de même, le temps non-facturé à ces personnes ne serait pas exigé aux véritables clients des agences (ceux qui consentent à les payer à l’occasion d’une transaction).
Car la gratuité des évaluations, comme du reste, d’ailleurs, n’est qu’illusion : si l’agence ne facture pas l’évaluation effectuée pour le compte du propriétaire ALPHA, elle devra récupérer sa mise en surfacturant la prestation rendue au propriétaire BETA. Ce système de marché de dupe dit de « PaP Aidé des professionnels HOGUET» a donc engendré, en France, le niveau élevé des commissions agences que nous connaissons.
Malgré la conscience qu’ont les instances professionnelles immobilières de ce système (engendré par la loi Hoguet), il semblerait que personne ne souhaite le réformer. Les réseaux de franchise tentent de contourner le système en développant, avec des méthodes commerciales musclées, le mandat exclusif qui constitue à présent l’ultime arme pour lutter sur un marché immobilier, dominé par l’outil « internet ».
Il me semble, pour ma part, que le mandat exclusif n’est pas la bonne réponse car il lie le client à une seule agence pour une période donnée. Si l’agence est mal choisie, la perte de temps engendrée peut être catastrophique. En revanche, la réglementation doit évoluer : les clients devraient être contraints de choisir entre vendre de leur propre moyen, ou vendre avec une ou plusieurs agences.
Le cumul des deux systèmes est la raison principale du niveau élevé de commission en France. Ceux qui se plaignent du taux de commission des agences devraient accepter de signer une pétition exigeant une réglementation sur ce point. Demander une baisse des commission des agences, dans le système actuel, n'est pas viable économiquement si rien ne change.