Depuis plusieurs années passées à exercer ce doux métier d'agent immobilier, avec le souci constant d'être en harmonie avec mes valeurs personnelles et de me regarder sans honte dans la glace chaque soir en me couchant, je réfléchis, en permanence, à ce que pourrait être un monde meilleur, dans le domaine immobilier, et ce, pour tous les intervenants de ce marché...
Comme vous l'avez compris si vous avez parcouru mes précédents articles, ma conviction personnelle est que la Loi Hoguet, qui date de 1970 et qui régit la profession d'agent immobilier, craque de partout. Véritable passoire, elle est régulièrement contournée. Bien sûr, lorsqu'on interroge certains anciens agents immobiliers d'avant Hoguet, on ne peut que constater le progrès accompli depuis cette loi. En résumé, avant la légifération, le marché immobilier était une jungle où les agents immobiliers travaillaient sans règle, ni mandat de vente. Cette loi a donc eu le mérite d'introduire une réglementation stricte, après plusieurs « affaires » immobilières qui avaient scandalisé la population à l'époque. De plus, afin de protéger les clients (vendeurs et acheteurs), la Loi Hoguet a imposé aux agents immobiliers une obligation de résultat (et non de moyen), par le biais de la rémunération, due à la seule condition de la réussite attestée de la vente.
A présent, le marché et ses intervenants ont évolué (surtout, à mon sens, en raison du rôle prépondérant qu'internet joue à présent dans les transactions immobilières). La Loi Hoguet est devenue un carcan, ne permettant pas aux intervenants sérieux et de qualité d'être rémunérés pour leur implication et honnêteté. Ainsi, le marché immobilier connaît un nivellement par le bas de ses acteurs (cf article précédent « comment les mauvais agents immobiliers chassent les bons ?).
En effet, dans le système actuel régit par la loi Hoguet, le « conseil » objectif ne paie pas. Seule la vente encaissée permet de recevoir une rémunération, ce qui induit de nombreuses dérives. Le cadre légal actuel favorise uniquement les « chasseurs de primes » pour lesquels tous les moyens sont bons. L'enfer est, donc aussi ici, pavé de bonnes intentions : les dérives de cette obligation de rémunération au résultat sont nombreuses et pénalisent finalement plus l'acquéreur qu'elle ne le protège.
Comme nous venons le voir, elle encourage certes une qualité moindre des professionnels, mais il ne s'agit pas de son seul défaut. L'effet pernicieux le plus détestable est la création et le maintien d'un niveau trop élevé de commissionnement des agences. Contraintes de mutualiser les coûts entre affaires conclues et affaires non-conclues, rémunérées uniquement sur le dos des vendeurs/acquéreurs ayant effectivement vendu ou acheté par son intermédiaire, les agences qualitatives ne peuvent perdurer sur la durée qu'avec une rémunération avoisinant les 5% du prix de vente. En deçà de ce taux, le service ne peut être complet : les agences « low-cost », qui fleurissent ces derniers temps, sacrifient nécessairement un maillon de la chaîne, même si elles s'en défendent. Ainsi, par exemple, dans certains concepts « faibles coûts », les agents immobiliers n'effectuent plus les visites mais demandent aux propriétaires de les faire eux-mêmes sous le prétexte « Qui mieux que vous connaît votre maison ? ». Dans le cas où les visites sont toujours assurées par l'agence, la publicité sera, dans ce cas, réduite au minimum, sans parler du temps d'évaluation et de conseil...
La question est donc bien : comment réduire le coût des agences tout en augmentant leur « qualité » ? Ces deux évolutions simultanées permettraient enfin aux « entremetteurs immobiliers professionnels » d'augmenter leur part de marché. Ainsi le découpage 50/50 (moitié des transactions immobilières effectuées par des particuliers, l'autre moitié par des agences) n'est pas, à mon sens, une fatalité en France. Mais d'importantes mutations attendent la profession si cette dernière souhaite, plus qu'évoluer, je dirais même : survivre à l'avènement d'internet sur le marché immobilier !
La réforme à entreprendre rapidement :
- - 1. Réformer la loi Hoguet et permettre à l'agent immobilier de facturer ses services avant d'avoir vendu: le mandat de vente doit devenir payant, immédiatement le jour de sa souscription, pour le vendeur.
En effet, les vendeurs profitent en premier lieu, et ce immédiatement, des divers « services » des agences. Dans cette catégorie, nous pouvons ainsi citer :les estimations, les études de marché réalisées lorsque l'agent immobilier « teste » le bien confié sur son portefeuille de clients en recherche active, les publicités des agences qui permettent souvent aux acquéreurs de repérer les maisons et de sonner directement chez les particuliers (ou de retrouver l'annonce pap grâce aux photos), etc... Enfin, la réalisation des visites est un véritable service rendu aux vendeurs qui doit, à mon avis, être facturé d'une manière ou d'une autre. Ainsi, lorsqu'un mandat est confié à une agence, je préconise un paiement, par le vendeur, d'un forfait (750 à 1000 euros) pour avance de frais, non-remboursable.
Les effets bénéfiques seraient alors immédiats : les vendeurs « touristes », indécis (je vends ou pas ?) ou « hors prix du marché » éviteraient les agences si le mandat de vente devenait coûteux. Car pourquoi payer un professionnel et risquer de perdre cette avance, si le prix désiré ne permet pas la vente, par son caractère déraisonnable? Seuls les vendeurs sérieux, et véritablement décidés à vendre, feraient appel à un intermédiaire professionnel rémunéré.
De plus, lorsque l'agence conclurait la vente, le pourcentage restant dû serait facturé (le jour de l'acte définitif), sans pouvoir excéder 2,5% du prix de vente (au total, forfait déjà versé inclus). Le mandat de vente payant serait ainsi un excellent système pour que les agences réputées attirent, de par leur qualité et leur sérieux, les vendeurs, placés devant l'obligation de sélectionner les agences sur leur réputation, s'ils ne veulent pas multiplier les frais de « mandat ». Finis les biens détenus dans 10 agences différentes, les biens quasi « exclusifs » deviendraient alors courants, permettant à l'agence de se rentabiliser sur un niveau de commission de 2% à 2,5%.
Pour l'acquéreur, les garanties seraient alors importantes : dès qu'une agence proposerait un catalogue garni, cela signifierait qu'elle a convaincu les propriétaires de son sérieux, certainement de par ses résultats (le bouche à oreille fonctionnant au maximum dans le commerce immobilier qui est une activité de proximité). Les biens proposés seraient correctement tarifés et véritablement « en vente ». Surtout, la commission serait seulement de 2,5% (soit la moitié de ce qui se pratique aujourd'hui) et payée par le vendeur, véritable décisionnaire de son mode de vente. De plus, avantage non-négligeable, les agences se trouveraient dans l'obligation d'être « bonnes », professionnelles et sérieuses pour attirer les vendeurs vers elles. Actuellement, lorsque le vendeur prend une mauvaise agence, il ne lui coûte rien, si ce n'est que, dans le pire des cas, il ne vend pas (il perd du temps). En revanche, l'acquéreur va traiter, visiter avec cette mauvaise « agence », qu'il n'a pas choisie. En bref, il paie cash l'absence de discernement du vendeur, dont il n'est pas responsable. Si le mandat est payant et que le vendeur se trompe d'agence, c'est le porte-monnaie de ce dernier qui souffrira de la perte de l'avance consentie pour « frais de mandat »!
Mais ce n'est pas tout : la réforme de la Loi Hoguet doit être accompagnée d'une autre évolution, qui doit être simultanée à la première :
En effet, une question nous vient immédiatement en tête au sujet de la problématique du mandat de vente payant : ce système ne va-t-il pas encourager le marché entre particuliers, les vendeurs préférant vendre par eux-mêmes pour ne pas avancer, parfois à perte (si l'agence choisie échoue) les frais du mandat ? Je crois que nous éviterons ce travers, si et seulement si :
- - 2. la réforme concernant la loi Hoguet s'accompagne également d'un accroissement de la responsabilité juridique de l'agence, offrant plus de garanties aux acquéreurs.
Actuellement, si l'acheteur achète par agence ou non, cela ne change pas grand-chose : il ne dispose d'aucune garantie envers les risques cachés, comme vous l'indique cet extrait classique de tout compromis de vente : « L'acquéreur prendra l'immeuble vendu dans son état actuel, sans recours possible contre le vendeur, pour quelque cause que ce soit et notamment pour raison, soit de mitoyenneté, soit de mauvais état ou défaut de culture, soit enfin d'erreur dans la désignation ou la contenance susindiquée, la différence entre cette contenance et celle réelle, exédât-elle un/vingtième en plus ou en moins, devant faire le profit ou la perte de l'acquéreur. Il souffrira les servitudes passives, apparentes ou occultes, continues ou discontinues, de droit public ou de droit privé, pouvant grever le bien vendu, sauf à lui à s'en défendre et à profiter en retour de celles actives, s'il en existe, le tout à ses risques et périls, sans recours contre le vendeur et sans que la présente clause puisse donner à qui que ce soit plus de droits qu'il n'en aurait en vertu de titres réguliers, non prescrits ou de la loi. »
Il me semble nécessaire qu'à l'avenir, lorsqu'un acquéreur achète par l'intermédiaire d'une agence, celui-ci dispose de véritables garanties juridiques (concernant les vices cachés par exemple), ce qui n'est pas le cas s'il achète à un particulier directement. Alors, dans sa responsabilité exacerbée, les agences seraient bien plus vigilantes sur les « vices » éventuels des biens qu'elles acceptent à la vente. Les acquéreurs trouveraient alors dans les agences des biens « sélectionnés » pour leur absence de vices cachés (apparents). Dans le cas où certains défauts importants auraient échappés à l'agent, l'acquéreur pourrait obtenir aisément dédommagement (ce qui n'est absolument pas le cas actuellement), ce qui n'obtiendrait pas d'un vendeur particulier. Ainsi, les agences seraient enfin préférées (car plus sécurisantes) par les acquéreurs, qui chercheraient à acheter par une agence afin de bénéficier de garanties importantes. Les vendeurs (véritables), conscients qu'il serait dans leur intérêt (afin de toucher le plus grand nombre d'acquéreurs en recherche) d'offrir cette garantie aux acheteurs en mandatant une agence, se soulageraient alors, sans trop de remords, de 750 à 1000 euros de frais de mandat.
Par conséquent, ces deux réformes engendreraient une « double-sélection » : les vendeurs auraient intérêt à sélectionner la « bonne agence » pour éviter de multiplier les frais de mandats. Les agences, quant à elle, seraient incités à accroître leur professionnalisme et à sélectionner des biens de qualité pour éviter les frais de procédure juridiques (et les hausse d'assurance professionnelle).
Bref, je suis convaincue que de « petites » réformes peuvent produire de « grands » effets, et agir à la fois en diminuant les coûts des agences tout en augmentant la qualité ! Il suffit seulement que les organismes représentatifs de la profession aient la volonté...Mais je ne suis pas sûre que mes idées plaisent à tous leurs adhérents, bien contents de la médiocrité générale de la profession et de la relative tranquillité juridique !
Comme vous l'avez compris, les idées exprimées ci-dessous ne m'engagent que personnellement, et, n'impliquent en aucune façon la profession d'agent immobilier, encore moins la moindre organisation représentative de ces derniers. Je souhaite remercier chaque lecteur de ce blog qui a eu la gentillesse de commenter mes billets précédents, car cela m'a permis d'enrichir ma réflexion sur le sujet. Ainsi, les pistes d'évolution, proposées ci-dessous, peuvent être considérées comme des ébauches, mais aussi comme le fruit d'un travail collectif. De plus, je souhaiterais idéalement, que les réformes évoquées ici, soient enfin débattues par les intervenants du monde immobilier (vendeurs, acquéreurs, et surtout par mes confrères), mais je crains que les organisations professionnelles représentatives ne soient pas prêtes à s'engager sur un aussi grand chantier... N'hésitez donc pas à commenter cet article afin que nous puissions organiser le débat d'idées qui manque cruellement dans la profession en France. Car décidément, il me semble bien difficile de faire la révolution toute seule (comme le clame la superbe pub vantant les mérites du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers, en matière d'accompagnement stratégique des entreprises))...
Photo : publicité PricewaterhouseCoopers