En ce qui me concerne, je ne comprends plus rien : mes repères politiques s’évanouissent les uns après les autres.
Les médias évoquent pourtant, à longueur de pages, un système politique d’une simplicité enfantine, bi-polaire à outrance, qui (je cite) « ne laisseraient pas de place, en France, pour d’autres partis que le PS et l’UMP », au grand dam de France Bayrou, soi-disant empêché d’exister par l’omniprésence des deux partis majoritaires, trop écrasants car clairement identifiés, à la fois dans leurs intentions et actions.
Si l’on en croit ainsi les « faiseurs d’opinion », le paysage politique français est donc parfaitement délimité et schématisé : à droite, les décisions seraient prises majoritairement en faveur des citoyens « possesseurs de patrimoine » (Sarkozy « Président des Riches »). A gauche, les actions politiques viseraient à combattre les inégalités, à prendre plus « aux riches », pour distribuer aux démunis, minorités, délaissées (Hollande « Robin des Bois », héraut de la « justice sociale »).
Si cette dichotomie électorale (Droite vs Gauche) est si claire, alors pourquoi les signaux envoyés sur la problématique des plus-values immobilières sont-ils si contradictoires et surtout illogiques, si on les étudie au regard de leur provenance ?
En effet, crise économique oblige, il n’a échappé à personne que le régime d’imposition des plus-values immobilières concernant les transactions de résidences secondaires et locatives, a été durci récemment (entrée en vigueur 1er Février 2012), sous le quinquennat de Sarkozy. Avant le 1er février 2012, les ventes immobilières de résidences secondaires étaient exonérées d’imposition sur plus-values à partir de 15 années de détention. Depuis le 1er février 2012, les propriétaires de ces biens ne sont exonérés que si la vente intervient après 30 ans de possession (le délai exigé a donc été doublé, sans compter que les modalités de calcul ont également été revues fortement à la hausse).
A l’origine, le régime d’imposition des plus-values immobilières concernant les transactions de résidences secondaires et locatives a été instauré afin de :
- remplir les caisses de l’état (comme tout impôt) en ponctionnant de l’argent sur une population « possédante », donc théoriquement « favorisée »
- lutter contre les spéculations immobilières (circuit temporel court d’achat/revente entretenant une hausse des prix artificielles), spéculation dont la France n’a pas vraiment besoin, vous en conviendrez, depuis le cycle haussier démarré au début des années 2000.
Il me semble, à la lumière des cas que je rencontre professionnellement depuis que j’exerce le fabuleux métier d’agent immobilier, qu’un propriétaire, qui conserve plus de 10 ans un bien (a fortiori 15 ans) ne s’inscrit pas dans une logique de spéculation immobilière. Par exemple, les marchands de biens professionnels conservent rarement plus de deux ans un bien immobilier acquis dans le cadre de leur activité (les lignes de crédit ouvertes par les banques sont de courte durée).
Une preuve supplémentaire en est que l’état impose généralement 9 ans de conservation à tout bénéficiaire des lois fiscales d’incitation d’investissement locatif (Besson, Robien, Scellier, etc…). Ainsi, il est tacitement reconnu qu’au-delà de 9 ans de détention d’un bien immobilier, il ne s’agit plus d’une stratégie de spéculation immobilière, mais de constitution de patrimoine, qui peut bénéficier à la collectivité (entretien d’un patrimoine immobilier par un particulier privé, mise en location du bien, paiement de charges d’entretien, de taxes foncières, voire d’ISF, etc...).
Nous pouvons en déduire que le délai minimal de 15 ans, en vigueur avant le 1er/02/2012, permettant une exonération d’imposition sur plus-values, était largement suffisant pour lutter contre la spéculation. L’objectif du récent passage à 30 ans était donc, en priorité, pour l’état, de trouver de nouvelles rentrées d’argent par le biais de ce durcissement d’impôts, en raison de la crise économique que tout le monde connait, et non de lutter contre la spéculation.
Pour certains artisans, commerçants, professions libérales, qui ne peuvent pas compter sur le système de répartition français pour leur retraite (tout simplement parce que le régime de retraite des commerçants est une véritable peau de chagrin, qui provoquerait des manifestations monstrueuses s’il était appliqué à d’autres corporations), et qui avaient acheté un bien locatif quinze ans avant de stopper leur activité à 65 ans, afin de le revendre le moment venu, se retrouvent dans l’obligation de le conserver 15 ans supplémentaires (soit pour un de mes clients jusqu’à 80 ans), s’ils ne veulent pas se voir lourdement taxer, de manière prohibitive, en raison de l’envolée des prix depuis les années 2000.
Résumons-nous : c’est pourtant bien un gouvernement UMP, sous la tutelle de ce président que l’on a présenté comme le « président des riches et des possesseurs de patrimoine», qui a si durement réformé le système d’imposition des plus-values sur les résidences secondaires en février 2012. Les journaux de gauche n’ont pourtant pas comptabilisé ce fait d’arme au crédit du président « Bling-Bling », ce qui aurait dû, un peu, remonter sa côte à leurs yeux si leur analyse n’était pas si partiale…Sarkozy n’a finalement que mécontenté son électorat traditionnel.
La crise économique étant si rude, je me souviens également que l’imposition sur la plus-value engrangée à l’occasion des transactions immobilières, cette fois, de résidences principales, a été également secouée, comme une dangereuse épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, par ce même gouvernement UMP et les médias, en fin d’année 2011.
La réflexion que tout le monde a, à présent, en tête est donc : si, pour un gouvernement de droite, la question de l’imposition des plus-values sur résidence principale est si alléchante par temps de crise, cette idée devrait donc être d’autant plus tentante pour un nouveau président de gauche (puisque les médias n’aiment pas sortir de la caricature dont ils nous abreuvent depuis de longues années).
Et bien, de manière surprenante, et sans que cela soit médiatisé (il ne faudrait pas qu’Hollande soit à son tour, étiqueté « Président des riches », ce qui est proprement impensable puisqu’il est de gauche), il semblerait que la surprise soit de taille. Je vous laisse juge de ce point en consultant ce lien : http://www.lesechos.fr/patrimoine/immobilier/actu/0202049882564-patrimoine-ce-qui-vous-attend-avec-francois-hollande-320415.php
Un petit extrait, toutefois :
Immobilier : exonération au bout de 22 ans
Pour la taxation des plus-values immobilières, F Hollande souhaite revenir au régime instauré avant 2004 et assorti d'un abattement de 5% au-delà de la seconde année de détention. Les plus-values liées à la résidence principale resteraient exonérées d'impôt sur le revenu. Dans ces conditions, le régime des plus-values assorti d'une exonération au bout de 30 ans de détention devrait avoir une durée de vie limitée à quelques mois : du 1er février à début août, soit 6 mois !
Ainsi, sans revenir au délai de 15 ans d’avant Février 2012, Hollande assouplirait ce régime d’imposition en raccourcissant le délai minimal de détention en le faisant passer de 30 ans à 22 ans, et surtout modifierait les modalités de calcul en instaurant un abattement de 5% au-delà de la seconde année de détention, alors que dans la réforme UMP, l’abattement se calculait de la façon suivante (beaucoup moins avantageuse pour les propriétaires, vous en conviendrez) :
- 2% de la sixième à la dix-septième année, soit 12 ans à 2%.
- 4% de la dix-huitième à la vint-quatrième année, soit 7 ans à 4%.
- 8% de la vingt-cinquième à la trentième année, soit 100% d'abattement au bout de 30 ans.
Enorme différence pour mon client, petit commerçant de 65 ans, qui respire ! (et pourtant, il n’a pas voté Hollande, certainement, entre autres, parce qu’il ignorait ses projets en la matière).
Va comprendre, Charles ! C’est à se demander si on ne nous aurait pas menti lors de cette campagne…Que pense Mélenchon des intentions présidentielles ?