Noël approche, Noël est là.
Dans le sillage magique de cette fête, accourent de tous les coins de France (et parfois, soyons lyrique, du monde entier !), divers mammifères (dé)cérébrés, avides de profiter de leur venue dans notre belle région, pour visiter à cette occasion des biens immobiliers.
Quitte à dépenser de l’essence pour venir admirer, comme tous les ans, Belle-Maman s’étrangler avec la dinde le soir du réveillon, autant mettre à profit ces quelques jours de congés pour déambuler, en cette période hivernale, goutte au nez, avec un agent immobilier.
Rien de mieux, en effet, pour plonger dans l’ambiance de Noël, que de s’imaginer, le temps d’une courte visite, futur propriétaire d’un sublime pavillon de plain-pied des années 1980, que l’on a, de toutes façons, aucune intention d’acheter !
Comme tout cela est festif, à dire vrai ! Pour celui qui a déjà pratiqué, les visites immobilières du 24 décembre présentent un avantage concurrentiel indéniable : celui de s’échapper de la belle famille l’après-midi de préparation du réveillon (pas de chapon à vider). Il est, tout de même, mille fois plus sympathique de faire travailler gratuitement de pauvres négociateurs immobiliers, en cette veille de Noël que de s’écharper, en famille, sur la question du plan de table.
Et puis, une visite de maisons, cela « sort » les mômes. Cela les fait courir de pièce en pièce ou dans le jardin visité, pendant que le malheureux commercial s’échine à gagner sa croûte en tentant de provoquer, chez ses interlocuteurs, un éventuel « coup de cœur ». Grâce à ce merveilleux subterfuge, les gamins, fatigués par leur sortie, seront ainsi moins pénibles lors de l’interminable repas de famille qui se profile le soir-même.
Brillante idée, en effet ! Vous avouerez qu’il fallait y penser !
Ainsi, le téléphone de l’agence, bien silencieux ces derniers temps, sonne à nouveau à l’approche des fêtes.
-Je suis de passage à partir du dimanche 23 et serai là jusqu’au 27 décembre. Je souhaiterai visiter d’ici mon départ.
Bien sûr, les contraintes de ce type de « client » sont importantes et les flexibilités horaires de ces derniers (bien qu’ « en vacances ») particulièrement réduites. Car, visiter, oui, et vite, mais le matin, pas question, on dort. De plus, le petit dernier fait sa sieste de 13h à 15h, et puis à 17h, il fait nuit.
Que reste-t-il comme disponibilités, entre les grasses matinées, le jour férié et la messe de Noel ? Pas grand-chose, mais au prix auquel les professionnels de l’immobilier sont tous (sur)payés, il s’agit pour eux de trouver une solution rapide à ce problème d’engorgement « pré-fêtes ».
Mobilisons-nous, chers agents, et recrutons une armée de négociateurs en CDD de deux jours pour pouvoir répondre à l’importante demande impérieuse de visites le lundi 24 décembre de 15h à 17h, puis le mercredi 26 décembre mêmes heures ! Après tout, le client est « Roi » !
Dans le cas improbable où vous débuteriez dans le métier, et que vous vous soyez exceptionnellement mobilisés, à l’occasion de fêtes, pour répondre à cette forte demande particulièrement ciblée temporairement (quitte à commander, pour gagner du temps, votre repas du réveillon au rayon « Prestige » de chez LeaderPrice), vous aurez, malgré tout, la désagréable surprise de voir s’envoler, irrémédiablement dès le 27 décembre, cette délicate, mais ingrate, clientèle de passage.
Parfois, 12 mois plus tard, jour pour jour, vous recevrez à nouveau des nouvelles de ces volatiles qui ne sortent de leurs contrées éloignées qu’autour de la période de la Sainte Nativité. Même s’ils n’ont pas eu la courtoisie élémentaire de vous informer, au cours d’aucun des 365 jours écoulés, qu’ils ne donneraient pas suite aux visites effectuées le 24 décembre dernier, ces clients « annuels » entendent bien être à nouveau reçus, avec égards, pour une nouvelle visite immobilière, la veille de Noël.
Peut-être que vos charmants interlocuteurs pensent que votre cerveau est ramolli (car pour être agent immobilier, il faut en tenir une bonne « couche») et que, par conséquent, vous ne vous souviendrez pas d’eux. Malheureusement, comme tout bon commercial, vous n’oubliez jamais une tête, et encore moins un nom. Même sans votre outil informatique de transactions, qui lui, enregistre chaque « contact » avec précision (nom, projet, budget, adresse, heure du rendez-vous et maison visitée), et bien qu’il se soit écoulé plus de 12 longs mois remplis de « clients » plus ou moins « évanescents », vous avez, cette fois encore, immédiatement reconnu l’intonation pédante de votre « volatile » rien qu’à sa façon de vous saluer au téléphone.
Alors, cette fois, vous avez pris les devants : vous avez décidé de fermer votre agence pendant la période des fêtes.
Comme il est alors jouissif de répondre :
-Ah, mais Madame, notre agence sera fermée dès ce soir et ce, jusqu’à …ce que vous soyez repartie chez vous.
- Mais, ce n’est pas possible. Comment allons-nous faire pour visiter ?
- Et bien, appelez le propriétaire directement. Il a mis une pancarte « A vendre » avec son numéro de téléphone. Il sera ravi de vous recevoir pendant les préparatifs de son réveillon. Il vous gardera même peut-être à manger le soir venu !
- Ce n’est pas très professionnel de votre part. Si vous ne voulez plus vendre, c’est parce que vous avez trop bien gagné votre vie, depuis plusieurs années. Vous n’avez plus besoin d’argent. Mais méfiez-vous, le vent tourne.
-Oui, c’est cela. Le vent tourne, et ce, pour tout le monde. Joyeux Noël, Madame…et Bonne année !
Let it snow, let it snow, let it snow.
Joyeux Noël et Bonne Année à tous mes lecteurs.