PARTIE 2
COMMENT L’ENCADREMENT DES LOYERS RISQUE DE RENFORCER LA PENURIE DE LOGEMENTS EN DETOURNANT LES INVESTISSEURS DU MARCHE, TOUT EN NE PRODUISANT AUCUN EFFET POSITIF POUR LE LOCATAIRE ?
L’idéologie séduisante sur le papier
Constat
Les locataires, mêmes solvables et bons payeurs, n’arrivent plus à se loger décemment en France.
Conclusion
Il faut les y aider en plafonnant les loyers afin que ces derniers « ne montent plus jusqu’au ciel ».
La Fausse Bonne Idée
Pour nos gouvernants, qui ne quittent pas souvent Paris et sa proche banlieue, une évidence s’impose : face à la pression démographique et en raison de la pénurie de logements, il apparait urgent d’intervenir politiquement, sur le territoire national, afin de contenir l'effet antagoniste de deux forces contraires (Force One: "une demande soutenue" couplée à Force Two: "une offre de logements limitée"), à savoir la hausse incessante des loyers qui « étranglent » les locataires.
La théorie, telle qu’élaborée dans le feutre secret des bureaux d’énarques
Désormais, dans 38 agglomérations françaises, le bailleur ne pourra plus imposer lors d'une relocation ou en cours de bail, une hausse supérieure à l'indice de référence des loyers (IRL). Dans ces zones, le propriétaire n’est donc plus libre de fixer son prix, en cas de changement de locataire.
Sortons des bureaux de Matignon et allons voir comme cela se passe sur le terrain, dans la vraie vie
Il est tout d’abord important de rappeler que la fixation du niveau initial d’un loyer, à chaque location ou re-location, résultait, en France, jusqu’à présent, d’une régulation naturelle du marché entre l’offre et la demande, bien qu’il existe depuis longtemps des dispositifs encadrant déjà les augmentations de loyers en cours de bail.
Revisitons, avant d’aller plus loin, le schéma classique d’une économie libre de marché, hors mesure d’encadrement soviétique : si un propriétaire décide de louer un logement, il place son annonce sur leboncoin ou chez sa boulangère. Les éventuels candidats à la location prennent RDV pour visiter, puis acceptent, ou non, en fonction de l’état du logement et de l’offre disponible sur la marché, de louer au prix demandé.
En dehors de Paris, l’annonce de location ne donne parfois malheureusement pas grand chose : peu de contacts ou alors des locataires aux profils peu solvables. Le propriétaire est donc contraint de choisir entre 1.laisser son logement vide, 2. louer à des personnes à revenus « fragiles » (prêtes à payer plus cher car refusées dans le parc locatif classique en raison de leur profil), 3.baisser ses prétentions afin de dénicher enfin un locataire sérieux et solvable susceptible de rester longtemps dans le logement.
Si on exclue le cas extrême, et minoritaire, du « marchand de sommeil » semi-professionnel qui cible, en Ile-de-France, une population instable, souvent sans papier et donc sans recours, logée à grands frais dans des logements indécents, un propriétaire « classique » (donc sensé) privilégie toujours, à l’opposé, la sécurité, et donc la baisse de prix afin d’éviter des périodes de latences ou un turn-over trop important lié au niveau trop élevé du loyer.
Ainsi, dans certaines régions de Province, voire villes moyennes, les annonces de biens à louer sont légions en raison d’une demande locative faible, ce qui maintient mécaniquement les loyers à un niveau « modéré ». Pas de risque d’envols ou de hausse incontrôlée sans demande (et donc démographie) croissante.
Seules certaines grandes zones urbaines restent « tendues », en raison de l’attractivité économique de ces lieux drainant une population extérieure à la ville, couplée à une relative pénurie de logements : il s’agit, classiquement, des régions de l’Ile-de-France et lyonnaise, la Côte d’Azur, et dans une moindre mesure Toulouse, Marseille, Bordeaux.
Les effets pervers de la mesure d’encadrement des loyers dans la vraie vie des gens
Certes, cette mesure produira peut-être une augmentation des loyers « modérée à celle de l’IRL » dans certaines zones tendues (encore que cela n’est pas certain), mais elle engendrera des effets pervers, bien plus néfastes que les éventuels bienfaits :
1. Un parc immobilier locatif, déjà vieillissant, qui risque de ne pas être correctement entretenu
A l’ère du Diagnostic de Performance Energétique, des efforts écologiques, et de la lutte contre le réchauffement climatique, il devrait sembler important à Cécile Duflot, ancienne d’Europe-Ecologie-Les Verts, d’inciter les propriétaires à rénover, isoler, améliorer les logements loués, donc à faire des travaux. Or, la mesure d’encadrement des loyers revient à dire : « Même si vous faites des travaux, vous ne pourrez pas louer plus cher, même à un nouveau locataire ». Autant ne pas restaurer et laisser lentement le patrimoine immobilier vieillir au gré des changements d’occupants. Faudra-t-il survoler Paris avec des drones équipés de caméras thermiques pour déceler, vue d’avion, les pertes énergétiques par le toit et ainsi envoyer aux méchants propriétaires de logements énergivores, des amendes salées pour les contraindre à rénover enfin, alors qu’ils n’en ont plus l’intérêt…Une contrainte en attire finalement une autre, au risque de tomber dans un état politique totalement répressif.
2. Une fuite des investisseurs, donc une pénurie de logements, donc une nouvelle hausse
Dans le passé, la loi de 1948 ou de celle de l’encadrement des loyers en 1997 ont fait fuir les investisseurs. Pourquoi l’encadrement des loyers 2012 ne provoquerait pas les mêmes effets ? De plus, l’état français est à cours de financement. Il ne peut pas porter seul les besoins de construction et d’habitations à loyers modérés. Le marché locatif repose donc aujourd’hui sur les épaules des promoteurs (entreprises privées) et des particuliers. Faisons les fuir par un effondrement de la rentabilité locative et par des mesures coercitives, et la pénurie de logements s’accentuera de plus belle. La politique du logement ne pourra donc plus satisfaire une démographie croissante en zone urbaine.
Pourquoi, toutefois, les conséquences négatives (comme positives) de cette loi « Duflot » devraient rester modérés ?
1. Une mesure inapplicable
Les professionnels de l’immobilier se demandent comment la mesure d’encadrement des loyers pourrait être applicable dans la vraie vie, en dehors des bureaux politiques . En effet, comment un locataire pourra-t-il savoir à quel prix était précédemment loué un bien, afin de contraindre un bailleur à respecter ses nouvelles obligations légales ? Pour vérifier si l'encadrement est respecté, le nouvel occupant devra en effet disposer du montant de l'ancien bail. Or, aujourd'hui, aucun texte, prévu dans la réglementation, n'impose au propriétaire de fournir cette information. Le locataire devra faire une enquête de voisinage (mais il reste peu probable que les voisins connaissent le véritable montant du loyer précédent). Et que vaudra la parole de « ragots » de voisinage ? Les bailleurs garderont, dans les faits, toute latitude. La mesure d’encadrement des loyers ne se donne pas les moyens de son application.
2. Une mesure inutile
Malgré des tensions réelles, mais localisées, les loyers français ont moins augmenté, en moyenne, que l’inflation, en 2012 (et cela, Cécile Duflot se garde bien de le dire). La hausse des loyers français est donc relativement modérée depuis plusieurs années, mais ce point n’est jamais abordé par les médias, à la télévision. Ce ne doit pas être assez sensationnel, certainement !
De plus, si on compare la hausse des loyers aux revenus disponibles des ménages, les loyers se situent toujours dans la moyenne historique depuis 1965. Les prix à l'achat ont, quant à eux, explosé, ce qui entretient la confusion dans l’esprit des français. La mesure d’encadrement des prix locatifs est donc complètement inappropriée car elle ne correspond pas à un réel besoin économique. Par conséquent, elle ne produira que peu d’effets positifs pour les locataires, en raison d’un marché locatif qui s’équilibre finalement naturellement dans une majorité de régions françaises, et ce, sans que l’état n’ait besoin d’y mettre son nez.
Mais quelle peut être la raison d’une telle « modération » en ce qui concerne les loyers?
Pour découvrir un début de réponse, il s’agit alors de se tourner vers les dispositifs fiscaux, type Périssol, Robien, Scellier et consorts, tant décriés pourtant par une catégorie politique car ils apparaissent de prime abord comme des cadeaux pour les riches, alors que les catégories pauvres ou moyennes en bénéficient également immédiatement.
Prenons le cas d’école de Montauban, ville rose, à 50km de Toulouse. En plein boom de l’immobilier, les promoteurs ont construit à tour de bras des logements revendus dans un objectif de défiscalisation. Les propriétaires de tels logements ont oublié qu’ils s’agissaient d’immobilier et qu’ en la matière, les trois règles à respecter impérativement sont : l’Emplacement, l’Emplacement, et l’Emplacement.
Montauban n’est pas Toulouse, avec ses entreprises, son bassin d’emplois et ses facultés. Les logements « Scellier » Montalbanais ont donc difficilement trouvé preneurs et les propriétaires se sont vus contraints de baisser significativement les loyers afin de parvenir enfin à louer (et à défiscaliser). Les effets de la construction de ces logements ont été les mêmes dans beaucoup de villes françaises, comme Limoges, Périgueux, etc…
Si vous avez suivi cet article depuis le début, vous savez donc que les causes de l’augmentation des loyers sont duelles (ou alors, c’est que vous n’êtes pas vraiment concentré !) : 1. la pénurie de logement couplée à 2.une demande croissante (au risque de me répéter).
Les dispositifs fiscaux, quant à eux, sont un moyen, parmi d’autres, de lutte contre la pénurie puisque incitent les professionnels à construire et les particuliers à investir dans ces logements nouvellement créés. Loin d’être des cadeaux « aux riches », ils permettent ainsi de rendre le prix du logement plus accessible à la population.
Moralité : pour corriger des effets pervers (comme une hausse immodérée des loyers), il faut agir sur les causes de ces effets (la pénurie de logements) ou sur la demande croissante (moins facile), et non sur les produits des effets (la hausse des loyers).
La politique d’encadrement des loyers équivaut donc à prendre une aspirine en cas de fièvre, au risque de ne pas traiter l’infection, en se croyant, qui plus est, totalement guéri en raison de la baisse temporaire de température.
En matière de politique du logement, comme pour le reste, il s’agit parfois de savoir voir plus loin que le bout de son nez, tout simplement.
A suivre: quelques anecdotes immobilières récentes et l'état du marché en VERITE !