Article publié le 14/01/2012 - La Dépêche.fr.
Carcassonne
"Et bim ! D'un coup d'un seul, de tête en plein nez, voilà l'ex-client d'un agent immobilier de la rue de Verdun qui, de bon matin, a eu la cloison nasale fracturée. Ce coup de boule, c'est l'agent immobilier en personne qui le lui a infligé. « Croyez-moi, je regrette mon geste qui relevait plus du réflexe que de la préméditation. Et puis un nez, c'est fragile », s'explique le commerçant, âgé de 63 ans. S'il a « pété les plombs », c'est parce qu'il s'est senti trahi par son client. « Cette personne a signé chez moi un mandat d'acheteur. Une commerciale payée à la commission s'est démenée pour lui trouver un bien sur lequel il a signé un contrat préliminaire d'achat, lequel a été négocié avec le vendeur de la maison. J'ai appris il y a trois jours qu'il a fait cet achat, hors de l'agence ! Ce qui signifie que ma commerciale a travaillé pour rien, pour 0 €. Quand je l'ai croisé, avec son arrogance habituelle, j'ai eu ce mauvais réflexe de lui donner un coup de tête », raconte le patron de l'agence immobilière. Les faits se sont produits hier matin, tandis que la victime conduisait ses enfants à l'école Jean-Jaurès, alors qu'elle sortait du parking Gambetta. « Mon mari avait les enfants avec lui ! Vous vous rendez compte ? Se faire frapper près de l'école, en leur présence !»
«Quand il a voulu s'expliquer avec son agresseur, à l'agence, la police l'en a empêché. Mais nous avons déposé plainte. Nous sommes seulement passés par une autre agence pour acquérir cette maison. Et avec cet agent, manifestement, aucune discussion n'est possible », dit l'épouse de la victime. La police, confirme qu'elle a bien reçu la plainte de la victime. Quant à l'auteur présumé, il indique qu'il a été entendu, dès hier, par les enquêteurs. Les suites judiciaires de cette affaire ne seront connues qu'en début de semaine prochaine. Le fait est que ce fait divers révèle l'ambiance tendue qui est celle du marché de l'immobiler actuellement : tant du côté des acheteurs que des commerciaux, payés à la commission et de leurs patrons."
Pour consulter le lien directement: http://www.ladepeche.fr/article/2012/01/14/1260724-carcassonne-d-un-coup-de-boule-l-agent-immobilier-casse-le-nez-du-client-indelicat.html?mid=57
Que dire sur cet article ?
Plusieurs réflexions :
- A 63 ans, un patron d'agence immobilière ressemble à un "vieux routard", à la peau tannée. Il en a généralement vu des vertes et des pas mûres. Le coup classique du client qui évite l'agence, alors qu'il a eu recours à elle, a signé un mandat, a fait travailler, pour des prunes, pendant plusieurs semaines, un agent commercial payé seulement à la commission, etc..., cela sent le réchauffé. Il n'y a généralement pas de quoi de s'énerver, surtout lorsqu'on a plusieurs années d'expérience derrière soi. Seuls les trois premiers cas, vécus dans une carrière, énervent. Les affaires similaires suivantes se contentent de lasser. Il suffit de se lancer tranquillement dans une nouvelle procédure juridique routinière que les agences, et leurs avocats, maîtrisent à la perfection, et cela, les responsables d'agence le savent parfaitement puisqu'ils souscrivent des assurances afin que leurs importants frais juridiques annuels soient remboursés.
- Pourquoi donc ce patron d'agence a vu rouge? Le journaliste de La Dépêche a, lui, son interprétation : " Le fait est que ce fait divers révèle l'ambiance tendue qui est celle du marché de l'immobiler actuellement : tant du côté des acheteurs que des commerciaux, payés à la commission et de leurs patrons.".
En ce qui me concerne, je ne pense pas que cela soit (exclusivement) dû à l'état morose du marché immobilier de Carcassonne. Le raccourci est facile et évite de chercher plus loin. Ce fait divers illustre, en réalité, un changement en profondeur, de la mentalité des clients des agences immobilières.
- Tout d'abord, le nombre de tentatives de contournement d'agences se multiplie, depuis le développement d'internet, tout simplement parce que le quidam moyen a dorénavant des moyens techniques dont il ne disposait pas avant. Notre patron d'agence a donc certainement été plus agacé par la répétition des cas, que par la découverte de cette nouvelle fraude.
- De plus, à la lecture de l'article, il semblerait que, non content d'avoir évincé l'agence, alors que les étapes étaient avancées (signature "d'un contrat préléminaire d'achat"), le client "indélicat" soit, de plus, "arrogant". La tendance, ces derniers temps, est certes, de contourner une agence pourtant dûment mandatée, mais aussi de s'en vanter auprès de l'entourage, voir de fanfaronner quasiment devant sa vitrine. La douce période passée qui recensaient des clients fraudeurs, mais pas tapageurs, est à présent derrière nous. Auparavant, lorsqu'un acquéreur contournait une agence, il tentait plutôt que cette dernière ne s'en aperçoive pas, afin d'éviter un procés ou ...un coup de boule. Le schéma type était le "silence radio" immédiat (le même client, qui a visité plus de 10 biens avec vous, ne daigne plus répondre à aucun de vos messages, car il essaie de se faire oublier). Mais, depuis plusieurs années, le client "assume" sa filouterie, voire s'en vante. Interrogé, l'acquéreur trouve, d'ailleurs, sa fourberie tout à fait justifiée: ce n'est pas lui qui est malhonnête, c'est le niveau des commissions des agences. Et puis, "A malin, malin et demi", etc...Bref, le fraudeur ne fait plus profil pas: il justifie son comportement comme étant le fruit logique du système.
Cette modification récente de la mentalité des clients est difficile à supporter, surtout pour un patron d'agence qui a été habitué pendant les 3 dernières décennies à d'autres réflexes comportementaux, disons, plus classiques.
- Autre point, j'adore particulièrement un passage de l'article de La Dépêche. Il s'agit de la réaction de l'épouse. Pour moi, ses réflexions sont du caviar.
Tout d'abord, elle se plaint que l'épisode malheureux se soit passé devant les enfants. Je la rejoins sur ce point. C'est fort regrettable, mais je ne pense pas que l'agent immobilier ait choisi le "moment". Il a craqué lorsqu'il "a croisé" le client dans la rue. Il ne semble pas que ce patron d'agence se soit levé le matin en ayant le projet prémédité de casser des cartilages faciaux, le tout, devant des enfants.
L'épouse du supplicié oublie, de plus, que ce patron d'agence vient d'illustrer, de manière unique, les conséquences éventuelles de la malhonnêteté à ses enfants. Si, cette maman regarde les faits avec objectivité, elle devrait faire l'explication de texte suivante à sa progéniture: "Nous avons tenté de ne pas payer une agence que nous avons pourtant faite travailler. Ce n'était pas juste car, en tant qu'êtres humains, mêmes les agents immobiliers ont besoin de manger. Par conséquent, le monsieur de l'agence s'est énervé. Vous voyez, mes chéris, ce qu'il peut arriver quand on n'est pas honnête. Retenez cette leçon, pour, au contraire de vos parents, mener une vie droite et juste à l'avenir". Je ne suis pas sûre que cette maman, en apparence fort investie dans l'éducation de ses enfants, donne cette vision des choses à ses rejetons, ce qu'ils seraient tout à fait aptes à appréhender.
Ensuite, le journaliste place dans la bouche de la dame, une phrase exceptionnelle: "Et avec cet agent, manifestement, aucune discussion n'est possible".Traduction: le patron de l'agence ne veut pas négocier, il passe tout de suite aux mains. Il ne semble pas que cette dame ait tenté de discuter de quoi que ce soit, AVANT de court-circuiter l'agence, ce qui aurait peut-être évité à son mari de prendre un coup de boule en plein nez.Il s'agit de sa part d'une superbe tentative d'inversion des responsabilités. Le lecteur en viendrait même presque à comprendre que l'absence d'ouverture de l'agent immobilier est la raison principale de l'évincement de l'agence. La cliente oublie de préciser la raison pour laquelle elle a choisi de passer par une autre agence. Généralement, ce type de comportement est induit par un montant bien moins élevé de commissions, proposé par l'agence arrivée en deuxième position.
En effet, pourquoi ne pas avoir hésité à conclure avec une deuxième agence, au risque de prendre un coup de boule en pleine face, alors que la première a fait tout le travail? Par simple panache? Par goût du défi? Que nenni, les clients d'agences sont souvent plus vénaux que courageux.
S'il y a eu évincement de la première agence, c'est certainement parce que le confrère, arrivé en deuxième position, a proposé une belle réduction pour appâter le chaland. En effet, les temps de publicités, visites, négociations, etc....avaient été assumés par la première agence. Les frais de fonctionnement engendrés par la vente avaient donc été amortis par une autre, ce qui rendait possible le bel "effort commercial" de la seconde agence. Ce fait divers illustre encore une fois que les agences sont de véritables loups pour les agences, mais cela est un autre point, fort regrettable, sur lequel il faudrait revenir dans un autre article tellement le sujet mérite un traitement à lui seul.
Revenons à notre affaire: le couple d'acquéreurs aurait très bien pu informer le premier agent immobilier du niveau de commission proposé par le second, et aurait certainement obtenu une réduction en tentant de "discuter". Mais non, il semblerait, à la lecture de l'article, que les acquéreurs aient préféré contractualiser sans l'agence qui avait réalisé la plus grande partie du travail...Il s'agit d'un position qui ne pouvait pas rester sans suite.
Même s'il est regrettable que le patron d'agence n'ait pas su résister à la violence, qu'il s'agit à tout prix d'éviter bien sûr, ce dossier aurait eu des conséquences juridiques avec demande de dommages et intérêts de la part du premier agent immobilier. Envisager une seule seconde échapper à des poursuites judiciaires est illusoire en pareil cas.
Je vous avoue que la découverte de cet article dans La Dépêche a trouvé écho en moi, comme ce sera certainement le cas chez beaucoup d'agents immobiliers, qui se reconnaîtront grandement à sa lecture. Je ne peux que m'identifier à ce responsable d'agence qui ne supporte plus les dérives du système. Il m'est, en effet, arrivé d'envisager en pensée un "tel pétage de plombs", mais par chance (ou infériorité physique, allez savoir...), je ne suis encore jamais passée à l'acte (pour l'instant... mais je n'ai pas 63 ans, tout peut donc encore arriver...).
Certains clients mériteraient en effet des baffes, des calottes, des gifles, des coups de pieds bien placés...Ce patron d'agence immobilière de Carcassonne a craqué. C'est bien triste mais il faut avouer, malgré tout, que certains s'ingénient à chercher les ennuis, puis s'étonnent de les trouver.