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16 octobre 2010 6 16 /10 /octobre /2010 11:35

les-commerciaux-copie.jpg

 

Il y a quelques semaines, j’ai rencontré, longuement, une jeune femme, professionnelle de l’immobilier, avec plus de 10 années d’expérience. Cette dernière s’est présentée spontanément dans mon agence afin de savoir s’il était prévu de renforcer dans les mois à venir, notre équipe de vente.

 

La conversation a commencé à bâtons rompus, puis s’est dirigée vers une issue inattendue.

 

En effet, j’ai très vite ressenti que la jeune femme en question était désabusée par le métier. Ecœurée par les pratiques qu’elle avait constatées (et qu’on lui avait le plus souvent imposées) chez certains de ces anciens employeurs, cette commerciale, pourtant aguerrie, était résignée.

 

 « Ne sachant que vendre des maisons » (comme elle le disait), ayant besoin d’un revenu régulier, elle s’était fait violence et avait décidé de chercher un nouveau poste de commerciale dans l’immobilier, malgré le dégoût profond qu’elle disait éprouver pour le métier. Elle avait décidé de tenter une agence inconnue d’elle jusqu’alors (la mienne, donc) et sur laquelle elle ne se faisait d’ailleurs pas plus d’illusions que sur celles qu’elle avait déjà expérimentées.

 

Dans le désordre, elle me rapporta des pratiques étonnantes qu’elle avait vécues dans son passé professionnel :

-         Un de ses anciens patrons (dont elle n’a pas voulu me dire le nom) indiquait « exclusivité » sur toutes ces annonces alors qu’il ne détenait qu’un mandat simple, menaçait acquéreurs et vendeurs d’un procès lorsque ces derniers faisaient affaire sans lui. Face à un client qui le plaçait devant ses contradictions, lui présentant un journal d’annonces immobilières locales, sur lequel la même maison (soi disant exclusive de l’agence) apparaissaient chez plus de 3 autres concurrents, l’ex patron de la commerciale s’énervait ! Il en passait souvent aux mains (pour laver son honneur ?), sans se départir de son aplomb, et en accusant les 3 autres agences de travailler sans mandat (lui étant bien entendu dans son bon droit) !

-         Ce même gérant d’agence ne détenait pas de carte professionnelle en son nom, comme la loi l’impose. Il payait tous les mois un « prête-nom », personne physique qui résidait à plus de 600 kms, et qui, aux yeux de la loi était le véritable « gérant », même si ce dernier n’avait jamais mis les pieds à l’agence. La responsabilité civile professionnelle étant de plus au nom de l’homme de « paille », l’ex patron de la jeune femme ne risquait donc pas grand-chose en cas de « plaintes ».

-         Alors qu’il refusait des contrats de travail à ses commerciaux, les contraignant à rester « agents commerciaux indépendants », ce « patron » d’agence avait pourtant salarié une personne de sa famille qui ne travaillait pas réellement. Et oui, les emplois fictifs ne concernent pas que la mairie de Paris.

-         Dans une autre agence, la jeune femme avait également vécu des aberrations en termes de grilles d’honoraires : deux agences qu’elle avait fréquentées par le passé n’hésitaient pas à facturer 30 000 ou 40 000 euros de commission pour la vente d’un terrain à 100 000 euros FAI. La commerciale, aux ordres de son patron, se rendait à sa place aux rendez-vous de signature chez notaires car ces derniers ne manquaient pas de faire remarquer, devant les clients, qu’un tel niveau de commission était …clairement inhabituel et choquant. Pourtant, m’a-t-elle affirmé, à chaque fois, ni vendeur ou acquéreur n’ont trouvé à redire et les ventes sont allées au bout malgré ces taux ubuesques de commission.

-         De plus, alors que la jeune femme était agent commerciale indépendante (ce qui sous-entend : aucun lien de subordination avec l’agence), un de ces ex-patrons lui imposaient des contraintes horaires et des permanences à l’agence. Bref, comment utiliser des collaborateurs indépendants comme des salariés, sans avoir à payer de charges sociales directement…

-         Lors d’une autre expérience, la pratique de l’agence qui avait embauché la commerciale, reposait sur un système de vente simple : pour économiser les temps de visites, il était demandé aux commerciaux d’orienter les acquéreurs vers des agences concurrentes « classiques », qui détenaient le mandat de vente sur un même bien et ne rechignaient pas à passer du temps avec les clients. Ainsi, les visites étaient effectuées par les confrères, mais le client en recherche était tout de même suivi régulièrement par téléphone par le commercial de la première agence, afin de connaître ses impressions suite aux visites. Dans le cas où la visite était concluante, l’ex-agence de la commerciale proposait au client d’acheter par son seul intermédiaire, lui faisant miroiter une commission  fortement réduite (entre 3 000 et 5 000 euros) dans ce cas. L’acquéreur et le vendeur, souvent séduits, signaient le compromis de vente avec l’agence la moins chère, convaincus de ne rien risquer juridiquement. Pourtant, les vendeurs étaient bien évidemment poursuivis ultérieurement par l’agence lésée (celle qui avait effectué les visites) [clause du mandant de vente interdisant aux propriétaires de vendre par un autre intermédiaire, à un client, présenté initialement par l’agence]. Les vendeurs étaient condamnés, a posteriori, à payer des dommages et intérêts à l'agence détenant le bon de visite, mais peu importe : l’agence « filoute » avait réussi à obtenir une rémunération grâce au travail de ses concurrents.

 

Des anecdotes, comme cela, la jeune femme en avaient des pelles. Il suffisait d’offrir une oreille attentive pour ouvrir le robinet des souvenirs professionnels douteux.

 

Puis, au bout d’un certain temps, la commerciale m'a demandé : « Et chez vous, cela marche comment ? ».

 

Lorsque je présentais nos méthodes de travail, notre respect scrupuleux de la loi Hoguet (parfois à nos dépends), notre grille d’honoraires (moyenne 5%), notre conception du métier, notre exigence envers les pratiques de nos collaborateurs, la jeune femme ouvrait des yeux comme des soucoupes.

 

Elle me rétorqua : « C’est très joli, tout ça, mais si vous exigez un tel respect de la réglementation pour vos commerciaux, ils ne doivent pas vendre souvent, non ? ».

 

Honnête, je lui répondis : « Si, heureusement, on vend ! Mais il est certain que certaines affaires nous passent sous le nez. C’est le prix à payer pour continuer à se regarder sans ciller tous les matins devant la glace, et rester du côté légal en toute circonstance !».

 

Suite à ces échanges improvisés, la jeune femme s’en est allée. Elle n’a pas, à ce jour, repris contact avec mon agence. Peut-être préfère-t-elle un patron moins scrupuleux des réglementations ?

 

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4 septembre 2009 5 04 /09 /septembre /2009 16:58


Bon sang ! Toute la France semble se pâmer à l’idée d’exercer professionnellement, ou en dilettante, le superbe métier d’agent immbilier, pourtant si décrié ! Est-ce parce que le métier a un bel avenir devant lui ? Est-ce en raison des enrichissantes et nombreuses rencontres humaines (dénuées de toute vénalité, of course) que réalise régulièrement, dans le cadre de ses fonctions, tout bon agent immobilier qui se respecte ? Ou tout simplement en raison de l’intérêt du citoyen français pour la pierre (surtout celle qui se pare temporairement d’or et qui rapporte !)?


Des professionnels sur-représentés en nombre


Les agences ont ainsi poussé comme des champignons depuis les années 2000 : pas un village perdu dans nos contrées gauloises qui ne possède à présent sa propre agence immobilière, alors que même la Poste hésite à maintenir, dans ces coins reculés, l’ouverture du moindre guichet à mi-temps !  Lorsqu’on observe la surabondance récente de cette catégorie professionnelle, le moindre observateur, doué de sens, déduit que cet attrait pour le métier ne peut plus qu’être qualifié d’irrationnel, en ces temps de crise. Motivés par des clichés qui ont la vie dure et déconnectés des réalités, certains se lancent encore et toujours dans l’immobilier parce que le métier est apparu, pendant une dizaine d’années, comme un eldorado. Mais il serait à présent temps de redescendre sur terre…


Ainsi, à  leur grand désespoir, les agents immobiliers « pionniers », installés avant 2000, ont observés sur les dernières années, d’un œil maussade, l’arrivée tumultueuse ou le développement débridé de (dans le désordre) :


-          nouveaux confrères porteurs de cartes professionnelles, attirés par ce secteur florissant

-          reconvertis de tous secteurs (distribution, textile, restauration…), qui travaillent par appât du gain et non par intérêt pour l’activité

-          réseaux constitués uniquement d’agents commerciaux indépendants (non-salariés), mandatés par des porteurs officiels de cartes professionnelles

-          des amateurs de tous poils sans autorisation (le boucher qui affiche quelques photos de biens dans sa vitrine, l’anglais qui se rémunère en favorisant les relations entre ses compatriotes et les vendeurs français, sans parler du salarié, élu de son Comité d’Entreprise qui organise des rencontres entre personnel vendeur et acheteur de son entreprise et se rémunère au passage en cas de vente…)

-          importants services actifs et organisés, spécialisés en transactions immobilières, dans les études notariales (dont certaines jusqu’à présent se contentaient de la simple, mais tout aussi lucrative, activité de notaire !)

-          conseillers en gestion de patrimoine indépendants qui se sont décidés à « prendre » une carte « Transactions » pour mettre du beurre dans leurs épinards

-          particuliers, plus royalistes que le roi, imaginant que parce qu’ils ont réussi, un jour, à vendre leur maison tout seul, en marché croissant, parviendront à négocier les transactions immobilières de leurs connaissances et familles…

La vraie question est donc à présent : Qui ne vend pas de l’immobilier ou ne se sent pas capable d’en vendre d'un claquement de doigts ? (et je veux des noms !) car l'immobilier, c'est un peu comme le patinage à la télé, on pense que c'est facile tant qu'on n'a pas réellement essayé!

Il ne se passe d’ailleurs pas un jour où un client carrossier ou instituteur « de profession » (peu importe, d’ailleurs) ne tente pas de m’apprendre mon métier. Pourtant, je ne m’aventurerai pas dans une attitude réciproque, à savoir : faire la leçon à un garagiste sur la meilleure façon de changer un joint de culasse ! En revanche, tous mes clients ont le sentiment de m’instruire sur mon métier, rien qu’en me parlant (et je les en remercie bien bas !).


Une grande médiocrité de service : Les agents immobiliers sont leur propre fossoyeur

La quantité et la qualité ne faisant pas souvent bon ménage, il est assez logique d’envisager que plus le nombre de « participants à la transaction immobilière » croît, plus il est délicat de contrôler le professionnalisme de ceux-ci ! Ainsi les méthodes de certains acteurs récents (ou plus anciens) restent encore à ce jour discutables et engendrent, assez logiquement, la suspicion générale. Cette multiplication d’intervenants entraîne donc un nivellement par le bas, qui engendre, dans les esprits, une généralisation qui affecte toute la profession !


Attention: il ne manquait plus que les avocats!


Mais cette surpopulation d’agents immobiliers ne semble pas avoir atteint son paroxysme. Voici à présent que les avocats parisiens ont réclamé et obtenu récemment l’autorisation de pratiquer, eux aussi, la transaction immobilière, comme je l’ai appris dans l’article suivant, consultable sur
http://jurisprudentes.net/L-avocat-parisien-autorise-a.html.


Petit extrait : « Le conseil de l’Ordre des avocats de Paris vient d’adapter le règlement intérieur du barreau de Paris pour que les avocats puissent exercer une mission de mandataire en transactions immobilières. Cette mission doit constituer une activité accessoire de l’avocat, comme pour le notaire.

Désormais, le règlement intérieur du barreau de Paris prévoit que l’avocat peut être mandaté par ses clients pour vendre ou louer des biens immobiliers dans les limites autorisées par la loi. Il peut ainsi rédiger un contrat, un avant-contrat ou encore un projet de contrat, mais il ne peut représenter qu’une seule des parties au contrat, soit l’acheteur, soit le vendeur, et ce afin d’éviter les conflits d’intérêts. »

D'ailleurs, à quand une nouvelle législation pour autoriser les professionnels des pompes funèbres (informés de prime abord qu'une maison est de nouveau disponible) à participer contre rémunération aux transactions immobilières ?

Une méthode de régulation et de contrôle nécessaire


Pour accroître la qualité d’un corps de métier, il semble qu’une méthode « de régulation » de ses acteurs a largement et parfaitement fait ses preuves. Les français sont satisfaits de leur médecin ? dentiste ? pharmacien ? notaire ? Ces professions sont régulées par des techniques proches des « clausus numerus ».


A contrario, la profession immobilière se multiplie sans véritable politique. Beaucoup d’intervenants d’origine professionnelle différente, se livrent entre eux une concurrence féroce, mais pas avec les mêmes armes : les avocats n’ont pas le droit de faire de la publicité mais peuvent facturer l’acte rédigé du compromis de vente, les agences peuvent faire de la promotion mais ne doivent rien encaisser avant l’acte authentique (loi Hoguet oblige).


Et que dire des notaires, qui sont souvent juges et parties, qui « conseillent » des clients alors que leur intérêt pécuniaire se cache sous leur robe d’officier ministériel ? Ces derniers prélèvent généralement 2,5% du prix du bien en moyenne pour leur entremise transactionnelle, alors que l’économie des agences impose un taux moyen de commissionnement très supérieur à celui des notaires (5% à 6%). Tout le monde veut jouer le jeu, mais personne n’est soumis aux mêmes règles (et je ne parle même pas de ceux qui vendent des biens immobiliers « au noir »). Comment promouvoir « la qualité d’un service » dans un tel capharnaüm ?


Une réglementation plus sévère et un cloisonnement des tâches pour éviter les conflits d'intérêts


Pour ma part, je prône moins de professionnels autorisés à négocier des biens immobiliers, grâce à une réglementation plus sévère de la profession, qui doit imposer des obligations de formation et de contrôle, ainsi qu’éventuellement des effectifs maximums, cohérents avec les besoins de la population.


De plus, le « mélange des genres » n’étant pas ma tasse de thé, je pense qu’il faut rendre à César ce qui appartient à César, et aux notaires la responsabilité de la rédaction des compromis de vente. En contrepartie, plus question de constater que Maître Untel, informé du décès récent de Mme Michu, s’est immiscé dans la vente du superbe manoir XVIème de cette dernière, pour le compte d’un ami, en retirant au passage les émoluments liés à la rédaction des actes + 2,5% d’honoraires prélevés sur la transaction. Ce comportement n’est-il pas comparable au « délit d’initié », pourtant reproché avec raison à d’autres professions, mais étonnamment jamais aux notaires ?


Les notaires interdits de négociation immobilière en Belgique


Pour preuve, La Belgique, plus sage sur ce point, vient d’interdire à ses notaires de participer aux négociations immobilières. Je vous livre le lien vers l’article pour plus de détails :
http://jurisprudentes.net/Les-notaires-interdits-de.html.

Extrait : « Lundi, la cour d’appel de Mons a donné raison à l’IPI en condamnant un notaire de Feluy à cesser dans les huit jours ses activités immobilières, considérant qu’elles portaient atteinte aux usages honnêtes en matière commerciale et aux intérêts professionnels des agents immobiliers. 

« La cour a reconnu que le courtage immobilier, c’est-à-dire la recherche d’un acquéreur pour un bien immobilier, est un acte commercial qui ne cadre pas avec l’activité notariale, précise Me Taquin, avocat d’IPI. Le notaire est un officier de droit civil, une personne assermentée, à qui la loi interdit tout acte de commerce. » ».


La qualité de service passe à la trappe


En France, personne ne semble interloqué par les double casquettes de certaines professions et par le fait que tout le monde puisse facilement se rémunérer sur un acte aussi peu anodin qu’une vente immobilière. Est-ce parce qu’au pays des fromages, on croit que « plus on est de fous, plus on rit ! » ou que certains lobbies sont plus forts ici que la raison ?  Je pense que si cette course endiablée à l’échalotte se poursuit, la profession immobilière va bientôt se réveiller avec la gueule de bois. Mais elle ne sera pas la seule : les vendeurs et acheteurs particuliers peuvent aussi y perdre, ne sachant plus réellement à quel saint se vouer, en ces temps plus difficiles. Ne sont-ils finalement pas les grands perdants, en raison de cette superposition d’intérêts qui ne favorise pas vraiment la qualité ?


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10 août 2009 1 10 /08 /août /2009 11:11

Une fois n'est pas coutume: je vous propose de remonter le temps de quelques années. Oh, pas un énorme saut préhistorique, juste un petit retour en arrière, de 24 mois seulement. Remémorons-nous le contexte d'alors: en Août 2007, l'immobilier ne se portait officiellement pas mal, au contraire. Les médias titraient: "Les arbres monteront-ils jusqu'au ciel?" pour évoquer leur étonnement béat envers la poursuite discontinue de la hausse des prix depuis plus de 9 ans.

 

Pourtant, certains professionnels de terrain, dont je fais partie, ont pourtant relevé mi-2007 des indices indiscutables, illustrant un changement imperceptible dans le mécanisme haussier, jusqu'à présent bien huilé, des transactions immobilières. Que dire pour argumenter précisément, hormis que, dès cette période, certaines modifications dans le comportement des acheteurs laissaient présager, à tout observateur averti, plus qu'une stagnation des prix pour les mois à venir, sinon un retournement futur? Dès Septembre 2007,  certaines réunions FNAIM réunissaient les professionnels autour du thème " Comment anticiper la fin du cycle haussier?". Même si la plupart des intervenants tablaient plutôt sur une décroissance "molle", il semblait évident pour tous que la période euphorique était derrière nous, et ce, pour plusieurs années!

 

Revenons à ce mois d'Août 2007, où le vent des déconvenues n'avait pas encore officiellement commencé à souffler. Seule une petit brise murmurait à mon oreille que l'intérêt de mon agence était d'éviter les dépenses promotionnelles dispensables, et ce, dans le but de préserver une trésorerie suffisante afin de traverser la longue période de vaches maigres qui s'annonçait.

 

J'étais personnellement mandatée à l'époque pour la vente d'une propriété, située en très grande couronne toulousaine, et qui portait sans aucune usurpation le doux nom de "Château de M.". La propriétaire m'avait avertie qu'elle souhaitait vendre assez rapidement parce qu'elle recevait, depuis quelques mois, des visites régulières et inquiétantes d'agents municipaux, missionnés afin la mairie de la petit ville fasse l'acquisition du domaine.   

 

Tout dans l'architecture du domaine conférait à la bâtisse des airs enchanteurs: tourelles avec toit ardoises (fort rares en Midi-Pyrénées), fenêtres en "chien-assis" sculptées, plusieurs perrons avec marquises monumentales, parc avec un joli labyrinthe de buis taillé et arbres centenaires, belle piscine avec pool-house… L'emplacement de la propriété était de plus idéal: les 20 hectares protégeaient le "château" des regards, lui assurant un calme exemplaire,  et, cerise sur le gâteau, permettaient d'accueillir des chevaux en toute quiétude, si tel était le bon souhait de l'acquéreur éventuel. La mairie du village ne convoitait pas les éléments bâtis, mais plutôt les terres, dans le but de les inclure dans une Zone d'activité commerciale en cours de constitution.

 

Assez rapidement, suite à plusieurs publicités valorisantes et bien ciblées, j'obtiens, après plusieurs visites, une offre d'achat à 990 000 euros frais d'agence inclus (alors que la propriété était affichée au prix de 1,050 millions d'euros FAI). La marge de négociation demandée restait fort raisonnable, d'autant plus que le projet de ZAC de la commune était clairement annoncé aux acquéreurs potentiels (Pas de cachoterie dans mon agence).

 

L'offre fut acceptée avec soulagement par la propriétaire, bien heureuse de constater que le prix proposée par la mairie quelques mois avant (550 000 euros) était bien en deçà de la valeur réelle du domaine. A présent, elle se sentait dans son bon droit, celui de refuser l'offre municipale pour préférer celle d'un acquéreur privé. Pressée de se libérer du poids d'une éventuelle préemption, la venderesse mit tout en œuvre pour signer un compromis de vente rapidement: les diagnostics techniques furent réalisés en un clin d'œil avant la fixation d'un rendez-vous chez notaire quelques jours plus tard.

 

Tout de même inquiète au sujet de la concupiscence de la mairie sur le domaine, je décidai, à titre préventif, de rendre visite à l'unique employé municipal local, chargé de l'urbanisme. Je pus ainsi consulter les plans de la ZAC dont le périmètre prévisionnel n'incluait pas les terres du château, ces dernières se contentant d'être placées en périphérie immédiate des limites de la future zone commerciale. Je précise que ce point fut pour moi une surprise agréable car je pensais que la convoitise de la mairie sur le domaine était provoquée par l'englobement de la propriété dans la ZAC. Pourtant, ce n'était pas le cas: le maire avait-il décidé finalement d'élargir son projet initial en achetant plus qu'il n'était initialement prévu de le faire? Dans le cas contraire, pourquoi désirait-il acheter le château et ses terres?

 

Rassurée par ma récente "découverte"  (une préemption municipale ne peut concerner que les terrains prévus dans le périmètre de la ZAC, et non ceux qui sont voisins), je me rendis confiante à la signature du compromis. Les acquéreurs étaient bien au rendez-vous mais ils présentaient une bien triste mine. Je ne compris pas immédiatement pourquoi mais je fus mise rapidement au parfum: mon acheteur potentiel s'était lui-aussi rendu à la mairie la veille. Il avait manifesté son souhait d'acquérir la propriété auprès du service urbanisme pour obtenir des renseignements sur ce fameux projet de ZAC, qui l'inquiétait légitimement! Comme par enchantement, l'employé de l'urbanisme conduisit le candidat à l'acquisition dans le bureau de Monsieur Le Maire, qui, oh, coïncidence, s'était rendu immédiatement disponible! Ce dernier présenta 3 projets alternatifs qui comportaient, chacun d'entre eux, un tracé de rails différent pour le train de marchandises de la future ZAC. Par malchance, un de ces projets prévoyait de faire passer le train à 50 mètres de la porte d'entrée principale du château. Le tracé était d'ailleurs aberrant car le train parcourait, dans ce cas, une boucle qui encerclait littéralement le bâtiment alors qu'un chemin de fer rectiligne passant aux confins de la propriété semblait le plus logique, car économique en temps et détours inutile.

 

L'acquéreur, pas dupe, expliqua devant le notaire qu'il ne comprenait pas comment un tel tracés de rails avait pu être pondu par des esprits soi-disant rationnels. Il estimait également que la valeur architecturale du château aurait, au contraire, dû engendrer une recherche de contournement afin d'épargner le domaine à tout prix. Mais effrayé par la probabilité (1 risque sur 3) de se retrouver, un jour, avec des trains de marchandises à 50 mètres de sa future cuisine, il annonça qu'il abandonnait définitivement son projet d'acquisition (et chacun le comprendra aisément).

 

A cette annonce, la propriétaire, présente, se sentit mal. Le notaire dut ouvrir les fenêtres et faire apporter un verre d'eau. Cette dernière venait de réaliser que le projet de train ruinait ses espoirs de vendre son domaine qui, avec une telle épée de Damoclès au dessus de sa toiture, venait de perdre au minimum la moitié de sa valeur, voire de devenir invendable.

 

Le notaire conseilla, à juste titre, à la propriétaire de prendre un avocat pour défendre ses intérêts, d'ajourner dans l'intervalle son projet de vente le temps que la menace de la voie ferrée fut définitivement écartée. Acquéreurs, propriétaire, notaire et moi-même nous quittâmes ce jour-là la mort dans l'âme. La vendeuse était désespérée, les acquéreurs déçus et soupçonneux (L'agence ou la propriétaire étaient-elles au courant du projet de train? Avaient-ils été à deux doigts de se laisser abuser?). Je venais pour ma part de perdre 45 000 euros de commission (TVA incluse, mais quand même!).

 

En raison de l'enjeu financier, vous vous doutez que j'étais décidé à suivre les futurs rebondissements du dossier, et bien entendu, à maintenir, au fil des mois, le contact avec la propriétaire afin de savoir si sa procédure contre la mairie aboutissait. Je gardais en effet espoir que cette affaire de train ne fut qu'un épouvantail agité par la mairie afin d'effrayer les acquéreurs potentiels et que les élus locaux ne maintiennent pas sur la durée, face à un bon avocat, leurs élucubrations urbanistiques! Si tout cela parvenait à se faire rapidement, peut-être que les acquéreurs seraient toujours preneurs à l'avenir, rassurés par l'abandon du projet de train…

 

Mais me croirez-vous si je vous disais que je n'ai plus jamais réussi à joindre aucun des protagonistes de cette histoire depuis ce mois d'Août 2007? Les acquéreurs ont finalement jeté leur dévolu sur une autre propriété et ne me rappelaient donc pas, n'ayant plus besoin de mes services. La propriétaire a vidé son château en temps record, puis a déménagé en Suisse. Le notaire constatait lui-aussi que sa cliente était partie à l'étranger sans laisser d'adresse, ni de numéro de téléphone.

 

Mais je compris par certaines sources, étrangères de prime abord à l'affaire, qu'un accord fut trouvé, rapidement, les jours suivants au compromis de vente avorté, entre la mairie et la propriétaire: cette dernière a accepté, semble-t-il, une offre d'achat municipale d'un montant inconnu et a par conséquent abandonné toute velléité de poursuite. C'est pour cette raison que le déménagement fut soudain. Une partie des terres du château fut incluse à la ZAC qui, depuis 2007, a finalement vu le jour!

 

Mais que sont devenues les hectares restants, ainsi que la magnifique demeure, me demanderez-vous certainement? Parfaitement préservés du brouhaha de la ZAC et du train de marchandises qui passe dorénavant à  plus de 2 km de la propriété, ils sont à présent la pleine propriété d'une famille d'entrepreneurs, particulièrement bien installés dans la région. Serez-vous surpris d'apprendre qu'un bruit persistant court au sujet de ces nouveaux "châtelains", qui seraient, depuis toujours, particulièrement proches de la famille de Monsieur Le Maire (je rassure tout le monde, non-réélu en 2008, y aurait-il une justice quand même ?)?

 

Mme l'ex-propriétaire évaporée en Suisse après avoir limité la "casse" et vendu son domaine, les acquéreurs potentiels finalement très heureux d'avoir acheté plus proche de Toulouse, le notaire assez indifférent, la mairie ravie d'avoir élargie sa ZAC, le Maire content d'avoir aidé un "ami de la famille" à acquérir un petit bijou de l'architecture régionale…et moi, avec 45 000 euros de chiffre d'affaires en moins…et aucun recours possible pour prouver le tour de passe-passe.

 

Et dire que nous sommes en France en 2009. Je n'aurais finalement pas aimé être agent immobilier dans une république bananière du 19ème siècle! Qu'est-ce que cela aurait été! Je préfère ne pas imaginer…

Photo: htpp://dessin.konk.free.fr/corruption/page.htm

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24 mai 2009 7 24 /05 /mai /2009 12:43

Samedi matin, je me décide à joindre par téléphone l'étude de Maître X., notaire proche de mon agence. Je souhaite, par ce coup de fil, m'assurer de la bonne avancée d'un dossier de vente en cours. Comme d'habitude, et malgré ma demande, Maître X. ne prend pas mon appel, comme il ne prend d'ailleurs aucun appel des agents immobiliers (pas de temps à leur consacrer) et renvoie consciencieusement toute demande de ce type vers un de ses clercs.

 

De plus, j'ai cru comprendre que les « petits patrimoines » sont traités, par ce notaire,  exactement de la même façon, que les agents immobiliers : leur dossier sera suivi à 99% par un clerc. En revanche, (d'après une de ses secrétaires), les gros entrepreneurs régionaux, les médecins spécialistes et les politiques locaux bénéficient d'un  traitement de faveur : même en cours de signature, Maître X. accepte généralement de s'interrompre pour converser par téléphone avec eux.

 

En raison de mon statut, je connais donc mieux l'une des clercs (Mme Dupinois) que le notaire lui-même, que nous n'avons l'honneur de croiser qu'au moment des signatures. Ces épisodes sont d'ailleurs savoureux, car Maître X. découvre généralement le dossier, entièrement préparé par un clerc, seulement dix minutes avant, ce qui nous permet d'assister parfois à de beaux « malentendus ».

 

Cette fois-ci encore, l'infatigable Mme Dupinois traite mon appel : tout avance bien, les conditions suspensives sont levées. Nous pourrons signer l'acte définitif sous 10 jours. Mais au ton de sa voix, je comprends que Mme Dupinois se fiche pas mal de mon dossier, alors qu'elle m'avait habituée, jusqu'alors, à beaucoup d'implication personnelle sur toutes les affaires qu'elle avait suivies. Questionnée, elle me répond :

  • - Ah, vous savez Mme Ingrid, lorsque vous viendrez signer cet acte définitif, je ne serai plus à l'étude...
  • - Ah bon? Mais pourquoi?
  • - Maître X. vient d'annoncer le licenciement de 2 clercs et malheureusement, je fais partie de la charrette
  • - Mais, cela fait plus de 4 ans que vous travaillez pour lui, non?
  • - Oui, et puis, surtout, en raison de mes expériences passées, je suis la mieux payée en terme de salaire...Je pense que c'est la raison pour laquelle j'ai été désignée pour sortir en premier.
  • - Je suis désolée pour vous.
  • - Merci.
  • - Mais peut-être travaillerons-nous de nouveau ensemble dans une autre étude?
  • - Les notaires licencient en ce moment, et beaucoup de clerc se retrouvent sur le carreau. Cela va être difficile de retrouver un emploi dans une autre étude de la région, je pense...

 

Le cas de Mme Dupinois me touche particulièrement car j'avais pu éprouver son professionnalisme à de nombreuses reprises et je jugeais que ses réponses étaient plus pertinentes, la plupart du temps, que celles du notaire. Malheureusement, Mme Dupinois ne semble pas être la seule dans ce cas, comme le souligne un article du Figaro : http://www.lefigaro.fr/immobilier/2009/05/18/05002-20090518ARTFIG00289-les-etudes-prises-au-piege-du-marche-immobilier-.php

 

Les études prises au piège du marché immobilier 

Par Alexandre Debouté le 18/05/2009
 

Confrontés à la chute des transactions, les notaires doivent réduire leurs effectifs. 2009 s'annonce difficile.


Du jamais - vu. Depuis fin 2008, les notaires licencient. Le peloton des clercs et employés d'études inscrits au chômage grossit à vue d'œil. Au dernier pointage du Conseil supérieur du notariat (CSN), l'instance de représentation nationale, le secteur compte 2 100 salariés de moins depuis janvier, après une baisse des effectifs de 1 400 personnes en 2008. Non-renouvellement des CDD, départs à la retraite non remplacés mais aussi, fait nouveau, 650 licenciements économiques depuis janvier.

En dix-sept mois, sur 50 700 employés, 7 % des troupes ont quitté les offices notariaux. Une situation inédite, selon l'aveu des notaires, justifiée par la crise immobilière. «Le retournement a été très brutal et nous a pris par surprise, souligne Jean-Pierre Ferret, président du CSN. On s'attendait à une baisse d'activité en pente douce, alors que la dégradation a été très rapide dès l'été 2008. Notre chiffre d'affaires a reculé de 5,7 % sur l'ensemble de l'année alors qu'à fin juin il était au niveau de l'année précédente.»


Participer à «l'effort de guerre»


Pour 2009, les notaires s'attendent à une baisse d'activité plus violente. Après un très mauvais premier trimestre (- 17 % sur un an), et malgré le frémissement constaté par la profession depuis avril, l'année pourrait se solder par une lourde chute d'activité de 20 à 40 %... et par de nouveaux licenciements.

«Tout va dépendre du deuxième trimestre et en juin-juillet on sera fixé», confie un notaire de la banlieue parisienne, qui n'exclut pas des dépôts de bilan. De son côté, l'intersyndicale CFDT-CGT-CGC des salariés du notariat avance même le chiffre de 10 000 suppressions de postes sur l'année. Une vision sans doute alarmiste. La CGT reproche aux notaires l'absence de gestion prévisionnelle alors qu'entre 1998 et 2007, le chiffre d'affaires des études a progressé en moyenne de 10 % par an. «Il y a une précipitation à licencier alors que ce n'est pas toujours justifié, estime Pierre Lestard de la CGT. Les notaires n'ont pas fait de réserves sur la période faste 1998-2007 et aujourd'hui ils évitent la procédure de chômage partiel pour ne pas avoir à se justifier auprès des directions départementales du travail. » Le syndicat déplore des mesures imposées de réduction du temps de travail. De fait, dans beaucoup d'études, les notaires demandent à leurs employés de passer aux quatre cinquièmes pour participer à «l'effort de guerre».



Incroyable, non ? L'article indique que le Chiffre d'Affaire des études a progressé de 10% par an, pendant 9 ans, soit un CA qui a quasiment doublé en 9 ans. Les volumes de transactions sont en baisse depuis à peine 7 mois et déjà les études licencient.

 

Ainsi, plutôt que revoir leur niveau de rémunération, les notaires demandent à leurs salariés de « participer à l'effort de guerre » ?  (Rappel : salaire Net moyen d'un notaire 18 400 euros / mois, salaire moyen net d'un clerc 1750 euros/mois. Le salaire net mensuel d'un clerc =1/11ème env. du salaire mensuel du notaire). Sources : http://www.journaldunet.com/economie/magazine/dirigeants/salaires-professions-liberales/2.shtml

 

Drôle conception de la « justice » sociale pour ces professionnels du droit !

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4 mai 2009 1 04 /05 /mai /2009 23:34

Depuis quelques mois, j'assiste un couple d'acheteurs trentenaires, et leurs enfants, dans leurs pérégrinations immobilières. En cours de mutation sur la région Toulousaine, cette famille pensait avoir trouvé la  maison de leur rêve, mais s'est retrouvée à l'hôtel, grâce aux bons soins d'un notaire particulièrement négligent. Je vous livre ainsi les détails de cette histoire, qui peut faire sourire lorsqu'on la raconte avec un certain détachement, mais qui, à mes yeux, illustre la fréquente petitesse humaine.

 

Au cours de la première semaine de Janvier 2009, je reçois une offre d'achat de deux clients, absolument charmants, pas compliqués, sans détours. Attachant, et sans une once de machiavélisme, ce jeune couple attend tranquillement son troisième enfant et souhaite acheter une belle ferme restaurée, sur un hectare de terres boisées,  pour offrir plus de place à la famille  sur le point de s'agrandir. L'offre d'achat effectuée est inférieure de 10% au prix attendu par le propriétaire mais, en ce mois de Janvier 2009, les clients sont rares. Les vendeurs acceptent donc la proposition, pour le plus grand bonheur des acheteurs. Le compromis de vente est signé dans la foulée chez le notaire des vendeurs. Dans cet avant-contrat notarié, une date est prévue pour la réalisation de l'acte définitif, qui permettra d'entériner le changement de propriétaire. Ainsi, contractuellement, sauf « circonstances indépendantes de la volonté des parties en présence », les acheteurs pourront  emménager dans la ferme le 20 Mars 2009 au plus tard.

 

Mon couple de clients aurait préféré prendre possession des lieux avant (car ce délai de presque 3 mois prolonge d'autant leur location). Mais le notaire explique qu'il ne sera pas possible de réduire le délai prévisionnel de manière importante. Il fera certes tout pour hâter les démarches, mais prévient les acquéreurs d'un impératif : située en zone agricole, et possédant un terrain égal ou supérieur à l'hectare, la propriété est malheureusement concernée par la préemption SAFER. Cet organisme dispose d'un délai légal de deux mois pour se prononcer sur sa décision de préempter ou non la propriété, souvent au bénéfice éventuel d'un jeune agriculteur. Le notaire indique que le compromis de vente sera ainsi notifié par lettre recommandée à la SAFER dans les jours à venir, et que la vente ne pourra pas se faire avant les 2 mois légaux. Assez habituée, je suggère alors tout de même une autre méthode : les acquéreurs peuvent exiger de la SAFER une réponse deux fois plus rapide (un mois au lieu de deux) mais cette procédure est payante (entre 120 et 150 euros en fonction des régions). Après une hésitation, le couple décline cette idée et accepte finalement d'attendre les 2 mois réglementaires (puisqu'ils doivent de toutes les manières respecter leur préavis avant de quitter la maison qu'ils occupent), le tout sous condition expresse d'emménager immédiatement dans la ferme, dès que la décision SAFER le leur permettra.

 

Après la signature du compromis, les choses suivent leurs cours et le délai s'écoule normalement : les acquéreurs déposent leur préavis pour quitter leur location le 20 Mars et obtiennent leur prêt bancaire. Jointe par téléphone, l'étude notariale ne signale pas de difficulté majeure sur le dossier. Rassuré entièrement (les probabilités de préemption restant faibles), le couple d'acquéreurs organise son déménagement le matin du 20 Mars (leur maison louée ayant vite retrouvé repreneur). Un rendez-vous de principe est même fixé à l'étude le jour fatidique à 18h pour l'acte authentique. C'est donc avec le camion de déménagement, rempli de meubles, que les acquéreurs entendent se rendre à la signature !

 

Le 20 Mars, vers 16h30, je reçois un coup de fil affolé de ma cliente :

  • - Mme Ingrid, le notaire vient de m'appeler. On ne peut pas signer la vente ce soir.
  • - Ah bon, mais pourquoi?
  • - Exceptionnellement, la SAFER n'a pas répondu dans les délais légaux et le notaire ne peut donc pas procéder aujourd'hui au transfert de propriété par acte authentique.
  • - Le notaire aurait pu s'apercevoir de ce problème plut tôt, tout de même...
  • - Oui, je ne comprends pas. Cela nous met dans un embarras important. Nous avons déménagé, tout est dans le camion. La maison que nous venons de quitter est de plus occupée depuis midi par de nouveaux locataires...
  • - Bon, écoutez, je vais joindre l'étude pour savoir réellement ce qui se passe.
  • - Merci, tenez-moi au courant, parce que là, c'est la catastrophe. Il va falloir que nous dormions à l'hôtel ce soir, s'il n'est pas possible de signer comme convenu.

 

Immédiatement après avoir raccroché, j'appelle l'étude et ne parviens pas à joindre le notaire. Seul son clerc daigne me renseigner :

  • - Ah, oui, Mme Ingrid... Vous êtes l'agence en charge de la vente?
  • - Oui, tout à fait. Pourquoi n'est-il pas possible de signer ce soir, comme prévu?
  • - Nous n'avons pas encore reçu la réponse de la SAFER.
  • - A ma connaissance, c'est la première fois que la SAFER ne répond pas dans les délais. Cet organisme est donc à présent hors la loi. Par un coup de fil, vous pouvez exiger leur réponse par fax dans l'heure. Ils sont obligés de répondre sans attendre à présent.
  • - Oui, enfin, ce n'est pas exactement cela. Les clients ne sont pas vraiment au courant de la situation exacte... Disons que la notification n'a pas été envoyée à temps...Euh, elle n'a même pas été envoyée du tout.
  • - Pardon, la SAFER n'a pas été avertie de la vente?
  • - Euh, non, mais dès que nous nous en sommes aperçus aujourd'hui, nous avons expédié la lettre recommandée immédiatement.
  • - Vous savez que mes clients vont être obligés de dormir à l'hôtel?
  • - J'en suis désolé, mais les erreurs, cela arrive aussi dans les études notariales. Personne n'est parfait. Le clerc stagiaire a malheureusement oublié cette formalité. Et oui, vous savez, les notaires ne sont pas des machines... Mais rassurez-vous, nous avons demandé la procédure accélérée payante et, en faisant intervenir des relations bien placées, nous aurons la réponse de la SAFER sous 15 jours maximum.
  • - Qui va prendre en charge les frais d'hôtel de mes clients pendant 15 jours?
  • - Ecoutez, s'ils étaient restés en location, ils auraient eu à payer leur loyer pendant la même période. Et puis, je ne peux pas m'engager sur ce point, voyez avec le notaire.

 

Bien sûr, impossible de joindre le notaire pendant plusieurs jours. Mes clients se sont donc retrouvés à l'hôtel, avec meubles en garde-meubles et chambre séparée pour les enfants. Le discours explicatif tenu par l'étude notariale aux clients n'a jamais été celui de la transparence. Le clerc a soutenu publiquement que le délai supplémentaire était indépendant de la volonté de l'étude, et s'expliquait par une désorganisation passagère de la SAFER.  

 

A aucune occasion et à ma grande surprise, la famille, décidément de bonne composition, n'a cherché à déterminer les responsabilités exactes. Elle  semblait perdue entre mes explications et celles de l'étude, qui étaient contradictoires. Bien sûr, aucune proposition de dédommagement n'a été faite à mes clients, qui, trop préoccupés à gérer leurs problèmes logistiques, laissèrent les délais courir sans réclamer quoique ce soit. De plus, il ne serait pas venu à l'idée de ces personnes bien intentionnées, qu'une étude notariale ait pu commettre un impair...Un agent immobilier, cela ne surprendrait personne, mais un notaire...

 

Vers le 19 Avril, lorsque la SAFER répondit enfin qu'elle ne préemptait pas, mes clients étaient tellement contents qu'ils ne pensaient qu'à signer l'acte définitif et quitter leur hôtel. Le notaire et ses insuffisances n'étaient plus leur priorité. En revanche, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu'une ligne avait été rajoutée par l'étude notariale dans le compte récapitulatif des « frais de notaires », dus par les acquéreurs : les 150 euros de procédure accélérée pour obtenir une réponse rapide de la SAFER avaient été ajoutés au reste des frais à la charge de mes clients. Pendant l'impression des documents, je réussis à glisser au notaire, en aparté :

  • - Dites, je trouve assez injuste que la procédure accélérée ait été facturée à mes clients, alors qu'ils n'ont pas choisi d'y avoir recours. Cette procédure a été rendue obligatoire par un impair de votre clerc, non? Je pensais que votre étude allait faire un geste, pour faire oublier les jours passés à l'hôtel
  • - Ah, Mme Ninon...Les clients ne regardent pas vraiment leur frais dans le détail. Et puis, pour une étude, il n'y a pas de petite économie, vous savez...

L'expérience m'a démontré qu'il ne servait à rien d'être plus royaliste que le roi. Si les clients eux-mêmes ne reprochent rien au notaire chargé de leur affaire dans pareil cas, ce n'est pas à l'agent immobilier de se battre contre vents et marées. Décidément, le niveau d'exigence n'est pas le même pour tout le monde.

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