Le baromètre du groupe seloger.com conclue ainsi pour le mois d’Août 2011 :
Ralentissement des prix de l’immobilier en France
« La baisse des prix de l’immobilier affichés en agences amorcée au mois de Juillet ne se confirme pas encore totalement au mois d’Août. Nous assistons malgré tout à un ralentissement marqué de la hausse des prix qui devrait s’accélérer dans les prochains mois.
Le contexte économique incertain et la hausse des taux d’intérêts provoquent une situation d’attente pour les acheteurs. Les vendeurs vont devoir réduire leurs exigences, au risque de voir le marché se gripper. »
Mais encore rien dans la presse à ce jour de vraiment concret. En effet, la communication des chiffres notariaux présentent un retard minimal de 6 mois par rapport aux dernières ventes enregistrées. Il n’est donc pas facile pour les observateurs (les médias) qui ne sont pas acteurs (comprenez "les mains dans le cambouis") de tirer des conclusions claires.
Pourtant, le marché immobilier vient d’entrer dans un cycle baissier, même si les signes annonciateurs de ce changement sont encore ténus. La réalité du terrain l’atteste pourtant :
- Le nombre journalier de consultations internet est inférieur en ce qui concerne mon agence de -15% par rapport à l’année dernière
- Le nombre d’appels entrants a également baissé, de l’ordre environ de -15%
- Par conséquent, les demandes de visite suivent le mouvement descendant : seulement 15 à 17 visites par semaine par commercial depuis le début Septembre (hors RDV estimation de bien, prise de mandat ou découverte de la recherche d’un client)
- Les ventes se font toujours à rythme régulier (le marché n’est pas grippé) mais les prix de vente réels affichent sur ma région une baisse faible mais sensible (de l’ordre de -1 à -2% sur les 3 derniers mois).
Plus significatifs encore les témoignages récoltés sur le terrain de la part de quelques acteurs immobiliers de mon secteur :
- Une agence confrère, très sérieuse et à très bonne réputation, présente des résultats commerciaux baissiers sur son exercice 2011 vs exercice 2010 sur un nombre de mois identiques : d’après son responsable d’agence qui ne manie pas la langue de bois et n’essaie pas de gonfler ses chiffres pour écœurer ses concurrents, son agence, pourtant dirigée d’une main de maître, pâtit d’un manque à gagner de l’ordre de 100 000 euros HT (soit -15% par rapport à l’année dernière) , le tout pour une présence terrain en heures identiques.
- Un très bon diagnostiqueur, parfaitement établi depuis de nombreuses années sur la région, et recommandé par tous les notaires locaux, m’a confié ne pas avoir réalisé beaucoup de diagnostics depuis le 15 Août 2011. Cela l’inquiète particulièrement d’ailleurs, car si son activité poursuit sur la lancée des 3 dernières semaines, il m’indique qu’il devra rapidement licencier. Certes, la problématique des diagnostiqueurs est différente de celle des agences : en effet, l’avènement du DPE, rendu obligatoire dès la mise en vente, a provoqué un effet « avalanche » : les vendeurs ont été contraints de faire réaliser récemment, et dans l’urgence, leurs diagnostics, le tout sur une période réduite. Quasiment tout le marché s’est à présent conformé à cette directive : la vague des demandes est donc passée. Il ne reste plus que le creux, c’est à dire le petit marché des nouveaux biens (ceux qui apparaissent sur le marché pour la première fois) pour faire vivre les diagnostiqueurs à présent.
- Mais ce marché des « nouveaux biens » s’amenuise : dans mon agence, quelques vendeurs ont déjà retiré leur bien de la vente depuis l’annonce de la réforme fiscale concernant les résidences secondaires ou investissements locatifs. Etre taxé à hauteur d’un tiers de la plus-value les détourne de leur projet de vente, alors que beaucoup étaient exonérés jusqu’à présent du fait de la période de détention supérieure généralement à 15 ans (ndlr : à présent, il faut détenir un bien plus de 30 ans pour ne pas être redevable de l’imposition sur la plus-value). La baisse de régime chez les diagnostiqueurs s’explique donc aussi partiellement par le fait que beaucoup propriétaires vendeurs de résidences secondaires (ou locatives) décident tout simplement de ne pas mettre en vente. Le portefeuille de biens à la vente s’amoindrie. Le choix pour les acquéreurs aussi, mais comme le nombre de ces derniers décroit également, nous pouvons donc nous préparer une baisse significative des volumes de ventes sur les mois à venir. La baisse de prix est toujours précédée d’une baisse des volumes. Par conséquent, il est aisé de déduire que les prix commenceront leur réelle décrue dans quelques mois, surtout en période électorale.
Malgré ces constatations communiquées largement auprès de ma petite clientèle, il faut savoir que les vendeurs restent à ce jour fermement campés sur leurs positions et ne comptent absolument pas bouger leur prix d’un iota.
- Appelée par un propriétaire pour évaluer sa maison au cœur du quartier Minimes de Toulouse, j’annonce un prix déjà élevé de 650 000 euros FAI pour le bien, certes séduisant (maison 1930 à « rafraîchir » (lire « déco et électricité à refaire entièrement ») , avec jardin « intime » (lire « riquiqui ») et garage non-attenant( lire « à Pétaouchnok »), bas de plafond (lire « Mini et Smart only »)), je m’entends répliquer « Vous rigolez ? Nous affichons cette maison à 1 150 000 euros FAI dans plusieurs agences ». Sonnée par le prix annoncé, j’ai donc dû très rapidement retrouver mes sens et la direction de la sortie si je voulais éviter d’être physiquement apostrophée. Vous comprendrez donc aisément que je n’aurai pas mon mandat, mais qu’à ce tarif, le vendeur est parti pour 8 ans de vente.
- Autre cas de figure qui risque de se généraliser en marché baissier : toujours en rendez-vous estimation en grande région toulousaine, j’annonce un prix de 500 000 euros FAI maximum pour une grande maison superbement restaurée et décorée. Pour réponse, le propriétaire me présente son acte de vente et ses factures travaux. Bilan : un coût de revient de 652 000 euros (prix d’achat réel 400 000 euros, travaux 200 000 euros. Frais de notaire : 27 000 euros). Si vente à 500 000 euros FAI (soit 475 000 euros nets vendeur), ce propriétaire perdra au bas mot 152 000 euros ! Vous comprendrez donc aisément qu’il n’en ait pas question pour lui. Le mandat ne sera donc pas obtenu ou alors placé dans une autre agence au prix de revient (soit 652 000 euros nets vendeurs). Dans ce dossier aussi, la vente risque de traîner un temps certain…
Scenario le plus probable pour les mois à venir
J’envisage donc l’année 2012 selon un scenario assez commun : le temps que les vendeurs acceptent de revoir leurs prétentions à la baisse, le marché commencera à se gripper. Au bout de plusieurs mois, les ventes dites « de contrainte » seront baissées en terme de prix, les ventes « de confort » seront retirées du marché. Nous aboutirons certainement alors à un marché qui présentera moins d’offres, mais à des prix plus attractifs, pour un nombre réduit d’acquéreurs mais enfin solvables. Le volume des transactions repartira enfin, mais à mon sens, pas les prix, surtout si les taux d’intérêt repartent à la hausse. Je n’évoque pas non plus l’éventuelle perte de la note AAA pour la France qui pourrait alors précipiter le marché dans un violent cycle baissier.
La question pour les professionnels de l’immobilier sera alors : comment tenir si la période de grippage dure trop longtemps ?