Il est nécessaire d'en finir avec certains clichés réducteurs concernant les agences immobilières! Je pense en effet qu’un débat concernant le rôle et le commissionnement des agences est à présent, plus que nécessaire en France, car le niveau d’honoraires est perçu comme étant trop élevé par les consommateurs (en raison de la mutualisation des coûts supportés par le ventes seules). En outre, le système induit un nivellement par le bas en matière de qualité de services (seule la vente étant rémunérée), comme je l'ai expliqué lors de précédents articles, critiquant la loi Hoguet et ses dérives réelles.
Or, il me semble que les modalités éventuelles de réforme ne pourront être étudiées avec rationalité, que si trois clichés, particulièrement réducteurs, disparaissent à jamais:
CLICHE N°1: L’agent immobilier servirait le plus souvent le seul intérêt des vendeurs, poussant le vice jusqu’à ne pas présenter certaines offres d’achat (surtout celles considérées comme trop basses), majorant les prix de vente afin que lui-même et les vendeurs s’en mettent plein les poches sur le dos des acquéreurs, tondus comme des moutons depuis de trop longues années…
CLICHE N°2 :Alors que l’agent immobilier est perçu comme défendant bec et ongles les intérêts des vendeurs, il aurait de plus l’outrecuidance de faire payer ses honoraires exorbitants au seul acquéreur, pris en otage du système (ce qui peut être comparé à la prise en charge des frais d’avocat, défendant un cambrioleur, par la seule victime du vol !).
CLICHE N°3 :L’acquéreur, victime de ces combines indignes et intolérables en démocratie, n’aurait alors le choix qu’entre deux attitudes extrêmes : accepter passivement de se laisser plumer, tel un dindon innocent, par un bourreau cupide et incompétent (l’agent immobilier), ou, se révolter et manœuvrer dans tous les sens pour éviter, coûte que coûte, les agences (sans hésiter une seconde, pour cela, à recourir à des méthodes proche de la malhonnêteté, se rapprochant ainsi des comportements honnis de certains agents immobiliers). Bref, l'intérêt des acquéreurs serait de voir disparaître les agences, actrices de leur malheur et de la montée des prix immobiliers, ces dernières années.
La réalité est différente ! Mais sa complexité ne permet pas une appréhension simple des mécanismes de fonctionnement, surtout pour les personnes néophytes. Il est par conséquent important d'étudier les raisons de l'existence de ces clichés et d'y répondre.
REPONSE CLICHE N°1. Quels intérêts sert réellement l’agent immobilier ?
L’agent immobilier défend ses seuls intérêts. Tout le reste est pur fantasme.
La Loi Hoguet ne lui permet de se rémunérer que sur la vente. Il fera donc TOUT pour vendre (en respectant la loi pour les meilleurs de la profession, parfois en transgressant les règles morales pour les professionnels sans déontologie).
Si un prix élevé n’empêche pas la vente (les acquéreurs se livrant une vraie course pour acheter malgré la hausse), l’agent immobilier ne tempérera que très partiellement la cupidité des vendeurs : il se contentera d’un rappel des prix du marché puis acceptera de tester un bien légèrement surévalué, le tout sur une courte période. Son intérêt n’est pas d’accepter un mandat trop cher car, même en marché porteur, si le prix est déconnecté de la réalité, le bien tarde à trouver preneur. Et l’agent immobilier déteste généralement « les biens qui traînent » qui engendrent plus de frais de fonctionnement que ceux « qui partent vite ».
Ainsi, si malgré cette mise en vente à un prix légèrement supérieur au prix du marché, le bien se vend sans négociation, alors la commission est encaissée et la hausse des prix est enclenchée.
S’il arrive que l’agent immobilier ne présente pas une offre basse, c’est qu’il dispose en parallèle d’une offre plus haute. S’il ne disposait que d’une seule offre, même basse, alors l’agent se battrait pour que cette dernière soit acceptée (car il DOIT vendre à tout prix). L’attitude des acheteurs (qui se livrent une concurrence pour acheter) a donc bien provoqué une hausse des prix.
En revanche, comme c’est le cas actuellement, si un prix élevé empêche la vente, l’agent immobilier mettra la pression sur les vendeurs pour que ces derniers revoient à la baisse leurs prétentions. Jusqu’à la vente finale, le professionnel travaillera, par paliers s’il le faut, pour réviser le prix et parvenir enfin à un tarif qui puisse intéresser un acquéreur potentiel. Dans ce cas, l’agent immobilier sert directement les intérêts des acquéreurs en accentuant la pression à la baisse.
En conclusion, l’agent immobilier adapte sa position en fonction de la réponse des acquéreurs et du marché. Il ne défend que ses propres intérêts, en raison du système HOGUET. Si certaines prestations de conseils pouvaient être rémunérées (expertises, conseils de prix d’achat, etc…), l’attitude des agents immobiliers serait différente.
REPONSE CLICHE N°2. La commission de l’agence est-elle supportée par les seuls acquéreurs, comme le pensent grand nombre de clients ayant franchi la porte d’une agence immobilière ?
Pour répondre à ce point, je vous laisse découvrir le lien suivant (proposé dans un commentaire précédent par Coriolan, qui compare la problématique de la prise en charge de la commission agence avec celle de la TVA. Je remercie d'ailleurs Coriolan pour cette remarque pertinente) : http://econo.free.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=25&Itemid=35&codefaq=20.
Petit extrait :
« Contrairement à une idée commune, ce ne sont pas les consommateurs uniquement qui paient les taxes sur le prix de vente des produits. Mais ce sont les producteurs également, qui doivent répercuter une partie de la taxe dans leurs profits. Et qui subissent de plus une diminution du volume de leurs ventes. La part relative payée par producteurs et consommateurs de la TVA se calcule ensuite assez bien, et dépend en fait de l'élasticité de la demande par rapport au prix, donc de l'existence ou non de produits de substitution. Plus la demande est élastique, plus le producteur paie la taxe; plus elle est inélastique, plus le consommateur paie de taxe. »
Si on considère que la problématique des honoraires des agences est proche de celle de la TVA, alors il semble possible de répondre simplement à la question de la prise en charge des honoraires : en marché haussier, les honoraires de l’agence sont plutôt supportés par les acquéreurs. En marché baissier, les honoraires de l’agence sont plutôt supportés par les vendeurs. Déjà, lorsque la question est creusée avec une approche économique, il n’est plus possible d’affirmer de manière péremptoire que les acquéreurs soient les seuls à supporter les frais des agences.
Or, la problématique de la TVA diffère de celle des honoraires d’agence par un point primordial : aucun producteur/revendeur ne peut s’exonérer de la TVA, qui, en fonction de l’élasticité des marchés, est finalement supportée tantôt par les producteurs, tantôt par les acheteurs. Alors que les vendeurs immobiliers particuliers peuvent se passer des services d’une agence. Ils ont ainsi la possibilité de s’exonérer d’une commission et vous pouvez compter sur eux et leur intérêt financier, pour explorer cette éventualité sous tous les angles.
Ainsi, si le prix d’un bien au mois de Septembre 2009 est P (Prix du marché), il n’y a pas de raison pour que le vendeur affiche son bien, sur les petites annonces particulier à particulier, à un prix minoré P*(P*< P avec P*= P – commission éventuelle agence). Le vendeur particulier va tenter de vendre sa maison au prix P (voire supérieur), et tentera éventuellement de placer sa maison en agence à un prix majoré : P** (P**> P avec P**= P+ commission agence).
Les « bonnes » agences, depuis la crise, refuse généralement ce type de pratique: elles n’acceptent plus que les mandats affichés au prix du marché P (frais agence inclus) avec des mandats de vente prévoyant la commission agence à la charge des vendeurs (recommandation officielle de la FNAIM à ses affiliés). Dans ce cas, la commission agence est clairement et indiscutablement à la charge des seuls vendeurs.
Parfois, certains propriétaires tentent même d’afficher, de particulier à particulier, leur bien à un prix P** (P** toujours >P avec P**=P+ commission agence), essayant d’empocher sur le dos des acheteurs la commission d’une agence « fictive ». Avec une négociation rondement menée de la part d’ acquéreurs aguerris, ils vendront finalement au prix du marché P, prix qu’ils auraient atteint de la même manière, avec le concours d’une agence. Ainsi, un bien immobilier se vend au même prix P (= Prix du marché) qu’il soit vendu directement, ou par un intermédiaire : en confiant son bien à une agence, le vendeur accepte, dans les faits, un gain moindre sur sa vente, en échange d’une service qu’il attend de qualité...
Revenons un instant sur la période de vaches grasses des 10 dernières années. Les agences avaient effectivement tendance à accepter d’afficher les biens en vente au prix P** (Prix du marché en vigueur à la prise de mandat majoré de la commission agence), puisque la nécessité de modérer les prix n’était pas vitale alors. Mais le marché étant en augmentation, le prix P rattrapait en quelques semaines (2 ou 3 mois) le prix P** qui devenait à son tour, prix du marché (alors P**=P). La vente se faisait donc à ce moment-là, donnant l’impression que l’acquéreur avait supporté seul la commission agence. Ce point reste FAUX, car si le vendeur avait vendu, au même moment, sans intermédiaire, il aurait vendu au nouveau prix du marché, soit P** (puisqu'à présent P**=P). Ainsi, même dans le cas où la marché est croissant, la commission agence est toujours supportée dans les faits par le propriétaire vendeur, contrairement à la TVA dont les producteurs et vendeurs ne peuvent s’exonérer et dont la prise en charge est « partagée » de manière flottante.
REPONSE CLICHE N°3. Les acquéreurs ont-ils intérêt à militer pour faire disparaître les agences ? Doivent-ils, en attendant ce moment ultime, utiliser toutes les ficelles disponibles afin de les éviter, quitte à s’avilir ?
Autre extrait de l’article concernant la TVA :
« …ce qui est piquant, avec cette analyse, c'est qu'on montre de la même façon qu'une baisse de la TVA aurait exactement le même effet : une très faible baisse des prix. Les bonnes âmes qui nous bassinent avec l'impôt injuste et considèrent qu'il faut le baisser se trompent donc lourdement, tout ce qu'on y gagnerait, ce sont des vendeurs enrichis et des consommateurs dans la même situation qu'avant, avec une dégradation des finances publiques. »
De la même manière, si les honoraires d’agence baissaient, pensez-vous sérieusement que les prix des biens immobiliers baisseraient pour les acquéreurs potentiels ? Il en est de même pour les frais dits « de notaire ». En cas de baisse de la commission agence et/ou des frais de notaire, les vendeurs empocheraient la quasi-totalité de la différence sans que cela ne bénéficie aux acquéreurs. Les vendeurs seraient donc les seuls bénéficiaires.
Les acquéreurs se sentent ainsi floués à tort, lorsqu’ils achètent par (une bonne) agence. Ils sont victimes d’apparences trompeuses et d’un manque de compréhension des mécanismes de fonctionnement. Si les agences disparaissaient, ils paieraient le même prix pour acheter leur futur logement. Le militantisme « anti-agence » primaire n’apporte donc pas de solution en terme de pouvoir d’achat.
En revanche, la Loi Hoguet encourageant les professionnels peu soucieux de la qualité et les « chasseurs de primes », il reste problématique d’avoir affaire à un intermédiaire incompétent ou malhonnête. Ce n’est donc pas la profession entière qui doit disparaître, car elle apporte des services aux personnes qui le souhaitent, mais il est nécessaire de réformer les modalités de rémunération de cette profession afin d’augmenter la qualité et le sérieux des prestations.
Ainsi, le niveau de commissionnement des agences (moyenne nationale : 5% du prix de vente) n’est pas, dans les faits, pénalisant financièrement pour les acquéreurs. Il pose en réalité problème « psychologiquement » car les honoraires sont supportés par les seules ventes (donc dans les faits, par quelques propriétaires, et illusoirement, comme nous l’avons démontré, par les acquéreurs de ces quelques biens vendus par l’intermédiaire de l’agence). « Les frais d’agence » ne sont donc pas répartis sur les différents clients de l’agence, en raison de la mutualisation des coûts, rendue obligatoire par la loi Hoguet.
La question est également d’ordre « éthique » car tout consommateur ne souhaite payer qu’à hauteur de la qualité effective de la prestation. La loi Hoguet engendrant un niveau médiocre de services, les clients des agences se sentent légitimement lésés en matière de rapport « qualité/prix ». Ainsi, il s’agit bien d’une nécessaire réforme qui attend la profession immobilière en matière de fonctionnement, de rémunération et d’augmentation de la qualité.
En revanche, la disparition des agents immobiliers ne résoudrait en rien la problématique du logement et de la cherté des prix immobiliers. Chers acquéreurs et vendeurs, ne vous trompez pas de combat ! Je pense que les professionnels immobiliers, soucieux de poursuivre leur profession avec sérieux, éthique et sens du service, ont tout à gagner à militer pour une réforme qui profitera enfin à leurs clients et à eux-mêmes!